Jean Potvin, comment avez-vous vécu votre confinement au niveau de votre pratique artistique?
Jean Potvin est un artiste multidisciplinaire de Québec, diplômé en dessin industriel. Il a longtemps mené une double carrière professionnelle avant de devenir artiste à plein temps en 2002, après avoir débuté la peinture en 1972. Il s’est fait connaître notamment par son travail artistique, mais aussi par son engagement dans diverses associations d’artistes. C’est un homme qui a toujours contribué très activement à maintenir vivant le milieu des arts visuels dans la région de la Capitale-Nationale.
Cette période pandémique, hors de l’ordinaire, nous l’avons tous vécue à notre manière. Nous avons tous eu notre façon de l’appréhender.
Le regard que pose Jean Potvin est très personnel à sa vision de l’évolution humaine et planétaire. Sa vision s’articule autour d’une suite logique à la surexploitation des ressources naturelles; c’est une façon, pour la planète, de se défendre.
Le septuagénaire, qui est en excellente santé, est pourtant bien conscient d’avoir une date de péremption, comme tous les êtres vivants sur terre. « Alors, ma manière de vivre cette période était sommairement de suivre les consignes générales édictées par nos responsables du système de santé ».
Toutefois, il ne fallait pas non plus tomber dans l’hypocondrie ou la paranoïa. « Le bon côté du confinement était, pour moi, que la vie continuait. Je considérais nécessaire, comme je le faisais chaque jour ou presque, de faire une balade de une à deux heures ». Le deuxième bon côté était « que j’avais plus de temps pour peindre, sculpter, bricoler, lire des livres et revues mis de côté, regarder des films, écouter de la musique, etc. » En mai, alors que le Québec se déconfinait progressivement, l’artiste a constaté qu’il avait créé plus de peintures, « même deux fois plus » qu’en temps ordinaire. L’envers de la médaille, car il y a toujours un pendant au positif pour équilibrer le tout, c’est que « je devais faire cette balade dans des endroits ou des quartiers peu fréquentés pour éviter de croiser des gens ».
Avec la distanciation sociale imposée, il lui était également difficile de fréquenter certains établissements pour se pourvoir en aliments et autres produits essentiels à la vie quotidienne. Dans la liste des effets nettement moins plaisants, il y avait l’absence des libertés individuelles et la solitude imposée par la distanciation sociale. « Ne plus pouvoir aller où nous le voulions quand nous le voulions, car les endroits tels les cinémas, les musées, les galeries d’art, les restaurants et autres étaient fermés. Et encore plus dommage, ne plus rencontrer les amis et la famille, ni organiser des soupers et autres activités sociales ».
Par essence, un artiste peintre est un être de communication qui a besoin de sociabiliser pour partager les fruits de son labeur. Le confinement imposé a relégué cet aspect important du travail de l’artiste à plus tard… beaucoup plus tard, car plusieurs expositions ont été reportées voire carrément annulées. « Avec ce confinement, j’ai peins beaucoup plus qu’habituellement. L’inspiration est demeurée présente car un certain retrait est nécessaire pour créer. J’ai produit plusieurs oeuvres et certaines d’entre elles ont un rapport direct avec le malaise actuel de notre société qui a de la difficulté à faire face à cette situation sans précédent. J’en ai illustré le triste constat et le résultat négatif ». Il faut préciser que l’artiste Jean Potvin aime particulièrement l’art engagé qui dépeint des réalités sociales qu’on ne voudrait voir, qu’on ignore sciemment ou qui dérangent. Il est bien connu pour ses prises de position face à la société. Son trait de pinceau ne laisse personne indifférent.
« Pour moi, l’art visuel repose avant tout sur la sincérité, la diversité, la spontanéité et la liberté de création de celui qui s’y adonne sérieusement ». L’artiste n’a donc jamais peint avec une pensée mercantile. « J’ai toujours conservé en mémoire ce que m’avait conseillé Jean Paul Lemieux à mes débuts dans les années 1970-80 ». Le maître québécois lui avait alors dit: « Tu dois peindre ce que tu ressens réellement sur le moment et même si ce n’est pas commercial et ne correspond pas à une mode passagère ». Cette façon de voir l’art, plus précisément les arts visuels, a laissé place à un esprit créatif, rebelle, car hors norme, et critique qui se rattache très souvent à un moment-clé de l’histoire de la société québécoise.
En raison de ce virus, il y aura un « avant » et un « après ». Et « l’avant », mercantile, égoïste, individualiste, basé sur la compétition, n’a jamais été réellement très charmant. Je ne crois pas que « l’après » sera plus attrayant.
Dans « l’après » de l’ère covidien, il y aura certainement les dettes, les impôts à payer, la recherche d’un travail, la faillite personnelle et commerciale, etc. « Pour plusieurs, il y aura la peur de toucher ou même d’effleurer l’autre, le doute persistant d’un retour de pandémie, etc. ». Dans une liste sans fin, il y a aussi de nombreux aspects sociologiques. «Pour certains un deuil non vécu sur le moment d’êtres chers décédés prématurément. Il faudra ré-apprendre à vivre normalement en société, etc. » La cicatrice sociale restera ouverte longtemps, selon lui. Sans tomber dans un pessimisme le plus noir, l’artiste réalise que « certains ne redeviendront jamais réellement heureux, sociables et rentables pour la société ».
JEAN POTVIN SUR INTERNET: son dossier d’artiste