Présentation de l’artiste
Gabriell (Gabriel Lavoie) est né en 1956 dans le Témiscouata (Québec) et a grandi dans la région de Lanaudière où il vit depuis. Dès son plus jeune âge, ses talents de dessinateur surprennent par la qualité de son travail qui semble lui venir tout naturellement. Son amour pour le dessin lui vaut, dans les années 1980, ses premières lettres de noblesse dans l’art du portrait. Malgré cette reconnaissance, il ressent un grand vide en lui et plusieurs changements sur le plan personnel déclenchent une profonde prise de conscience sur le sens de sa vie. Il remet en question, non seulement ses besoin de performance et de reconnaissance, mais aussi son talent. Cette période est un tournant décisif pour lui. Un nouveau sentier s’ouvre alors et une nouvelle créativité émerge. C’est le début d’un parcours initiatique. Guidé par une plus grande confiance en son talent et une spiritualité plus présente, il ébauche quelques paysages inspirés de féérie qui reflètent ses nouvelles aspirations. La peinture (à l’huile et à l’acrylique) devient sa nouvelle voie d’expression. Il débute l’enseignement dans son atelier de Terrebonne parallèlement à ses expositions. En effet, depuis 1997, il expose régulièrement dans plusieurs pays dont le Canada, la France, la République Tchèque, l’Italie, les États-Unis, les Pays-Bas, etc. Ses oeuvres voyagent partout dans le monde et inspirent l’âme des nouvelles générations. Il organise des stages de peinture intuitive au Québec et en Europe. Son travail est régulièrement récompensé en prix et distinctions et il a été nommé, il y a quelques années, maître en beaux-arts par l’AIBAQ.
1) Pour réinventer un marché de l’art à l’ère post-COVID, à quoi doit-on renoncer? À quoi doit-on s’accrocher à tout prix ?
Pour l’artiste, répondre à cette question, c’est d’abord comparer sa propre définition de l’art à celles qui existent déjà. Pour Aristote, par exemple, imiter en art, c’est chercher à reproduire avec la plus grande exactitude ce qui s’offre à notre perception dans la nature. L’artiste doit donc chercher à reproduire ce qu’il voit naturellement. Chez Platon, l’art se propose de copier ce qui existe dans le monde sensible, donc d’imiter ce qui est déjà une copie. Selon lui, l’artiste nous éloigne de deux degrés de la réalité. L’art, à ses yeux, est source d’illusion; il nous éloigne de la vérité. Pour Kant, l’art se distingue plutôt de la nature. Selon lui, l’art, une habileté de l’homme, se distingue de la science comme pouvoir de savoir. Pour Hegel, l’oeuvre d’art est une manifestation du divin, qui s’opère par la médiation de l’homme créateur. C’est une forme de manifestation du divin privilégiée puisque Dieu apparaît dans la beauté des œuvres d’art, mieux qu’il n’apparaît dans la beauté de la nature. En effet, les définitions de l’art sont nombreuses et se distinguent les unes des autres. «Je suis conscient que toutes ces définitions sont louables mais, en même temps, je trouve intéressant qu’il y ait un tel décalage d’avec ma définition du moment», explique Gabriell. «Aujourd’hui, l’art m’apparaît comme le lien le plus fort, servant à unir tous les êtres humains, sans barrière ni jugement. Une extraordinaire ouverture sur l’infini, un long chemin sans fin ni frontière, une libre expression et expansion de soi, une transformation illimitée, une découverte de nouveaux univers.» C’est ce à quoi s’accroche Gabriell; c’est ce à quoi tous les artistes devraient s’accrocher.
«Peut-être que nous devons renoncer à tout ce qui semble nous éloigner de notre authenticité et de notre âme. Nos besoins de performance et de reconnaissance sont peut-être appelés à subir une transformation spirituelle. Créer pour son ego et pour épater la galerie n’est peut-être pas nécessaire. Les artistes vont devoir s’accrocher de plus en plus à la sincérité du coeur, aux messages positifs qu’ils ont à offrir à l’être humain et à prendre conscience de la richesse que représente le talent qu’ils ont reçu et de l’importance de bien s’en servir.»
S’accrocher à tout ce qu’il y a de vrai en ce monde, aux sentiments humanistes de fraternité et d’égalité, aux émotions authentiques non absorbées par des impératifs égocentriques, non corrompues par des besoins triviaux, sera peut-être l’avènement des nouveaux peintres de l’idéal humain avec un contenu sur-humain, voire spirituel.
2) Quels sont les défis et enjeux auxquels font face actuellement les artistes professionnels en arts visuels et quels seront-ils à l’ère post-COVID ?
Pour Gabriell, l’un des principaux défis et enjeux est certainement d’accepter ce qui est. Loin d’être une résilience anodine, c’est un élément qui marque le début d’une révolution plus profonde qu’on pourrait l’imaginer a priori.
«Je crois qu’à cause d’une évolution accélérée à tous les niveaux de la société, plus on avancera dans le temps et plus il sera difficile de marquer un trait entre les vrais et les faux artistes.» La ligne de démarcation sera de plus en plus fine jusqu’à devenir abstraite. «En ce sens qu’aujourd’hui, presque tout le monde ressent un besoin de créer librement.»
Depuis l’arrivée du ready-made avec Duchamp qui pourrait se comparer à l’ouverture de la boîte de Pandore au niveau de l’art, l’ère dans laquelle «le tout» et «le rien» sont susceptibles d’être appelés «oeuvres artistiques» est bien présente. L’Histoire de l’art toute entière est remplie de ces moments-clés où de nouveaux courants ont émergé d’une condamnation sans appel par la critique. Il suffit de songer, par exemple, à l’arrivée de l’art abstrait avec Kandinsky et, avant lui, l’Impressionnisme avec Monet, etc. Ils ont ébranlé les convictions de leur époque.
«Tout ce fast-food artistique, tout ce que l’art numérique amène comme transformation, il y en aura de plus en plus. Ces nouvelles technologies feront le bonheur des futures générations artistiques et, probablement, qu’il nous faudra accepter ces courants.» Le plus grand défi, pour l’artiste, se trouve dans l’acceptation de cette révolution que plusieurs voient venir. «Pour ce qui est des mouvements fast-food, je crois qu’il faudra être tous très ouverts.» L’art, en tant qu’outil de thérapie personnelle, permet en effet tous les excès et les excentricités. Le monde est en perpétuel mouvement depuis l’aube des temps. Il change. Il évolue. Les mentalités changent et évoluent également. L’art ne fait pas exception à cette même courbe évolutive naturelle ou provoquée.
«Tout le monde se donne le droit de se définir artiste. Celui-ci n’a plus à se comparer et fait ce qu’il a envie, sans restriction. Le plus grand défi sera peut-être d’accepter une redéfinition de l’art dans ce nouveau monde.»
3) Pour survivre à court, moyen et long termes, l’artiste doit-il/elle miser sur le développement de son public ou le développement de son art ?
«Pour ma part, ma survie artistique dépendra essentiellement du développement de mon art. Je suis un intuitif, visionnaire sans frontière, et ma vie se transforme au rythme de mes tableaux. Sans aucune hésitation, je dois prioriser ce qui est vital pour mon cheminement personnel. Je sais, avec grande conviction, que si je suis fidèle et sensible à ma créativité, la vie se chargera du développement de mon public.»
Pour ce maître en beaux-arts, plusieurs fois récompensé autant en Amérique du Nord qu’en Europe pour l’excellence de son travail, ce qui compte le plus, c’est de miser sur le développement de son art. Le cheminement de l’artiste a toujours été marqué par une synchronicité extraordinaire, par des cadeaux de la vie ou des dons descendus du ciel. Ses oeuvres intuitives, pétries de spiritualité, trouveront toujours un public sensible. «Chaque fois que je me suis posé des questions en rapport avec la survie de mon métier, une réponse, parfaitement synchronisée par la vie, m’était envoyée. C’était, soit une vente inattendue d’un tableau, soit une magnifique inspiration.»
L’artiste, dont l’intuition fait partie intégrante de son travail au même titre que la couleurs et la lumière, a toujours suivi sa voie et continuera de la suivre quoi qu’il advienne du marché de l’art. Pour survivre à court, moyen et long termes, «je dirais que l’artiste doit miser sur la confiance!»
SUR INTERNET
Chronique estivale 2022
présentée sur HEART, Au Coeur de l’art – magazine des arts
www.magazinedesarts.com