Chaguy, comment avez-vous vécu votre confinement au niveau de votre pratique artistique?
Chantale Guy, alias Chaguy, est une artiste peintre de Saint-Prime (au Saguenay-Lac-St-Jean) qui a fait carrière au gouvernement pendant 39 ans, tout en préparant doucement sa retraite. En 1995, elle débute sa passion pour l’art qui, au fur et à mesure, prend de plus en plus de place dans sa vie. En 1998, elle obtient un DEC en arts et lettres au Cégep de Saint-Félicien et débute les expositions en 2004. Au début de sa deuxième grande carrière, l’artiste peignait surtout des animaux et des paysages. Au fil du temps, des personnages sont apparus, apportant avec eux, une autre dimension à son travail. La joie de vivre, le rapport entre les individus et le rapport entre l’humain et la nature sont ses thèmes de prédilection. L’interaction des uns et des autres, envers les uns et les autres, est le principal courant humaniste qui porte l’artiste vers une source d’inspiration inépuisable qui a donné lieu à de nombreuses expérimentations de styles, toujours dans des couleurs très vives.
Ce confinement imposé, en mars et avril 2020, elle l’a vécu douloureusement. « Il a été difficile pour une personne, comme moi, qui aime accueillir les autres avec une accolade, de rester distante avec mes proches. J’ai dû m’éloigner de ma propre manière d’être ». Ce changement l’a profondément marquée car on lui imposait de devenir quelqu’un d’autre à cause d’un virus en liberté. L’emprisonnement de sa véritable nature affectueuse l’a fragilisée émotionnellement. « Je l’ai ressenti quand je regardais un film ou une émission qui réveillait en moi les émotions liées au manque ». Les larmes venaient plus facilement qu’avant l’arrivée de la pandémie. Ce manque de proximité, de chaleur humaine, de sentiments partagés avec ses filles et ses petites-filles mais, surtout, cette interdiction de serrer tout naturellement les gens dans ses bras a contribué à augmenter le malaise. Ses proches lui semblaient plus loin que jamais.
En tant qu’artiste, Chaguy a pu vivre presque normalement. « J’ai heureusement eu un contrat qui me permettait de peindre des fresques dans un bâtiment déserté du planétarium de Saint-Félicien, deux ou trois jours par semaine ». L’artiste se retrouvait ainsi seule avec ses couleurs et se libérait du poids de l’angoisse. Pour ce qui est de son atelier à la maison, généralement ouvert au public sur rendez-vous en cette période de l’année, il était étrangement silencieux. Elle s’est surprise à regarder des tutoriaux sur YouTube pour tromper l’ennui afin d’améliorer sa technique. Chantale Guy a beau être artiste professionnelle depuis longtemps, donner des cours à l’occasion, avoir de l’expérience au niveau international, elle ne cesse jamais de se perfectionner. « J’aime particulièrement me dépasser ». Le travail de l’artiste est intuitif la plupart du temps, mais aussi intimement lié à son expérience personnelle, notamment au niveau des émotions vécues qu’elle révèle avec des couleurs dynamiques. « Je n’avais jamais peint en noir et blanc et je l’ai fait. J’ai pu remarquer que cette technique demande beaucoup d’observation sur les ombres et la lumière. Je vais donc appliquer ces leçons dans mes toiles futures ». Pour sa peinture personnelle, non issue d’une commande particulière, le choix de peindre en noir et blanc est donc très révélateur de son état d’âme. Lors de l’entrevue, elle a avoué que l’art avait été sa « bouée de sauvetage » et qu’il avait nettement contribué à garder un précieux équilibre dans une situation terriblement déroutante pour elle.
Je suis toujours à me demander si j’ai été une bonne mère, si je suis une bonne personne, si je suis une bonne amie ou une bonne sœur, si j’ai une réelle une place avec ma personnalité profonde
Une introspection plus présente en cette période pandémique covidienne, qui apporte malheureusement un lot de questionnements incessants. « Je sais pourtant que je suis aimée car mon mari et mes enfants me le disent tous les jours ».
La situation sera probablement plus facile quand elle pourra à nouveau serrer ses proches sans retenue, sans crainte, sans arrière-pensée. « Je regarde des reportages sur l’isolement des personnes âgées et cela me donne des frissons d’angoisse ». Vieillir seule, être isolée de ses proches, voilà ce qui la tourmente plus que tout. Il lui tarde de redevenir elle-même et de serrer sur son cœur les personnes qui lui sont les plus chères au monde.
CHAGUY SUR INTERNET: son dossier d’artiste