Par HeleneCaroline Fournier
Bernard Hild, né en France en 1942, fait ses débuts en photographie noir et blanc en 1970. La couleur viendra en 1990 en même temps que son intérêt pour la peinture. Connu en Lorraine pour ses nombreuses expositions, l’artiste de Mont Saint-Martin, s’exprime à travers des images qui racontent un long passé historique : l’époque de la sidérurgie lorraine. Il ne cache pas ses attraits pour l’ombre et la lumière, le jeu des couleurs chatoyantes et pour ses racines qui se sont exprimées à travers la nostalgie des nuits orangées du Bassin de Longwy avec ses coulées de fer en continu. En 2002 et 2003, il a fait deux grandes expéditions : le Pérou et la Thaïlande. Plusieurs articles de presse, notamment du Républicain Lorrain et de l’Est Républicain, ont été écrits sur ses souvenirs de voyage qu’il a volontiers partagés avec le public. Toujours à la recherche de l’image parfaite, l’artiste qui sait reconnaître le détail qui fait vibrer la corde sensible des amateurs d’art est avant tout un homme de partage. C’est d’ailleurs la clé de son succès: le contact humain par les échanges et les rencontres – et ce plaisir de partager ce qui le touche profondément se ressent à travers son travail. « C’est un spécialiste de l’être humain » écrira un magazine qui a souligné très intelligemment la sensibilité toute particulière de cet artiste « libre » qui ne fait que ce qu’il aime, ce qui lui plaît vraiment à travers médiums et techniques, parfois hors normes, défiant l’académisme rigoureux et une certaine mode artistique. Peut-on être un artiste libre au XXIème siècle ? Bernard Hild vous répondra que oui. « Aujourd’hui, les artistes sont libres de peindre ce qu’ils veulent » à travers n’importe quel médium. Ils peuvent oser dire, oser expérimenter, oser refuser d’entrer dans un mouvement particulier. Toutefois cette liberté a un prix : la survie de l’artiste dans un monde où la société a la fâcheuse tendance à ne pas reconnaître facilement le statut professionnel des artistes peintres. Peut-être est-ce un manque de culture générale, le non-intérêt pour les arts, le mélange entre art et décoration, ou tout simplement l’habitude d’acheter des reproductions sans valeur qui font que l’artiste « libre », qui dépend entièrement de son art pour vivre, se retrouve bien souvent dans une précarité financière au sein d’une société axée sur la productivité, la polyvalence, les bénéfices et la surconsommation de biens divers made in China. Bien que Bernard Hild ne soit pas touché personnellement par le problème de la survie financière en tant qu’artiste, le problème le concerne en tant qu’individu soucieux du statut des artistes et de leurs conditions de vie trop souvent misérables. Pour Bernard Hild qui a une vision de la vie plutôt optimiste et qui a de profondes valeurs altruistes, il voit l’artiste comme un individu qui s’exprime en utilisant des vecteurs artistiques, tout simplement. Il avoue qu’être artiste n’est pas forcément un mode de vie ni une vocation, mais « c’est très certainement une manière d’être en marge de la société ». Ce regard réaliste sonne néanmoins comme une déception face à la place réelle qu’occupe l’artiste (qu’il soit peintre, photographe, sculpteur, etc.) dans notre monde occidental, bien loin des préoccupations fondamentales et existentielles des artistes libres. La définition la plus simple de la liberté est la faculté d’agir selon sa volonté sans être entravée par le pouvoir d’autrui. C’est aussi l’absence de soumission, de servitude, de contrainte exercée par une mode ou un académisme. C’est également l’indépendance de l’artiste face à ses choix, c’est l’automonie et la spontanéité du sujet exprimé et des techniques pour arriver à ses fins. Si on pousse plus loin cette notion, philosophiquement parlant, on touche à l’essence même de l’être humain en tant que créateur.
N’y a-t-il pas plus autenthique qu’un artiste uniquement gouverné par un certain sens instinctif ? La liberté telle que nous l’entendons, notamment en art, est une condition transcendantale de la volonté. Une conséquence importante de cette conception est que l’action, ou du moins un certain type d’action, est en relation avec les qualités mêmes de l’âme. Quand cette âme est sensible, on peut s’attendre à une certaine sensibilité dans les sujets représentés – tel est le cas pour Bernard Hild qui exprime à travers la peinture (et la photographie) une sensibilité toute personnelle et particulière que l’on ressent à première vue lorsqu’on regarde son travail. Tout le monde est d’accord pour dire que la peinture est un langage ; ce qui s’offre à la toile est l’expression que réalise le peintre d’une expérience qui ne pouvait devenir consciente que par l’utilisation des éléments du vocabulaire de l’art pictural lui-même. L’art plastique, pictural autant que sculptural est d’abord et avant tout le geste du corps, du coeur et de l’âme. Freud disait que « l’affectivité presque seule détermine le caractère d’une personne ». Plusieurs philosophes ont abordé la « liberté » de façon différente, avec leur propre vision de cette notion universelle, mais en ce qui a trait à l’art, elle devient une qualité. Une rare qualité qu’il faut préserver. Avec Bernard Hild, on touche à quelque chose de sensible qu’on ne peut interpréter de façon intellectuelle ou de manière cartésienne. Il y a là une expérience à vivre, parce que la liberté doit être vécue et non explicitée de façon métaphysique ou même philosophique (comme l’on fait Descartes, Kant, Nietzsche, Rousseau, Hegel, etc.). La réalité spatiale de Bernard Hild n’est donc pas simplement une réalité visuelle, c’est également (et surtout) une réalité émotionnelle. C’est un contact humain… libre de toutes influences.
Lire l’article de la revue L’ArtZoomeur (Dossier: Les artistes d’aujourd’hui) en pdf