Par HeleneCaroline Fournier, experte en art et théoricienne de l’art
Présentée du 1er mai au 31 décembre 2025 au Musée d’art contemporain VR 3D (MACVR3D), l’exposition Ginette Ash. 50 ans d’art offrait au public une traversée rare: celle d’une vie entièrement consacrée à la création. Cette rétrospective, réunissant cent œuvres choisies conjointement par l’artiste et la commissaire d’exposition, révélait l’ampleur d’un parcours marqué par l’expérimentation, la fidélité à soi-même et une indéfectible quête de beauté. Née en 1951 à Rouyn-Noranda et vivant à Lévis depuis de nombreuses années, Ginette Ash a d’abord formé des générations d’élèves en arts pendant 34 ans, tout en poursuivant, dès 1975, une pratique personnelle rigoureuse en parallèle. Son œuvre témoigne d’une présence continue de l’art dans son existence, non comme une discipline accessoire, mais comme une respiration essentielle.
Ce qui frappe d’emblée dans sa démarche, c’est cette curiosité insatiable pour la matière, cette volonté de repousser les frontières des techniques mixtes pour mieux traduire la vie qui afflue. Ginette Ash navigue entre l’huile, l’acrylique et l’aquarelle, intégrant reliefs et superpositions pour créer des surfaces vibrantes où la couleur devient terrain d’exploration. Sa palette chaude, généreuse, est un langage: elle porte sa sensibilité lumineuse, son regard optimiste posé sur le monde, et sa maturité artistique acquise au fil des années. Certaines œuvres franchissent le seuil du pictural pour atteindre une dimension sculpturale en 3 dimensions. On y entre comme dans une topographie intime, guidé par la texture, la densité et la profondeur.
Le thème floral, omniprésent depuis ses débuts en tant qu’artiste, s’impose comme l’axe secret de cette rétrospective. Non pas un simple motif, mais un fil de vie, un territoire où l’artiste réfléchit à la beauté éphémère des choses. Les fleurs de Ginette Ash – travaillées en techniques mixtes, mêlant peinture, collage et papier – incarnent une maîtrise de la composition et du détail. L’artiste exploite également leurs reliefs avec des pâtes pour leur modeler une troisième dimension. Elles oscillent donc entre fragilité et puissance, délicatesse du trait et éclat de la couleur, et entre profondeur et volume. Le monde végétal et animal, autre champ privilégié, révèle une fascination pour les jeux de transparence, les ombres mouvantes, les éclats de lumière qui animent le sujet. Dans ses animaux, l’artiste atteint un degré d’intimité singulier: les regards semblent habités, comme s’ils tentaient d’établir un dialogue silencieux avec le spectateur.
Parce qu’elle maîtrise le dessin avec une assurance tranquille, Ginette Ash peut glisser d’un registre à l’autre – de la tradition à la contemporanéité – sans jamais perdre sa voix propre. Son art, profondément incarné, n’est pas qu’une pratique: il est une philosophie. Source de joie, refuge contre la souffrance, exutoire émotionnel, l’acte de peindre devient pour elle une manière de dire ce qui ne peut être formulé autrement. Chaque œuvre, qu’elle soit d’une simplicité volontaire ou d’une minutie complexe, porte la trace d’une émotion transmise en forme et en couleur.
Bien que ses paysages soient rares, ils ouvrent des parenthèses champêtres où la nature s’épanouit dans une harmonie généreuse. Or, ce sont surtout ses cadrages resserrés – ses gros plans qui isolent un fragment du sujet – qui définissent son écriture visuelle. Ginette Ash ne raconte pas d’histoires: elle offre des présences. Elle montre ce qui, soudain, mérite d’être vu, ressenti, touché.
Ce que l’on retient de cette grande rétrospective, au-delà de la diversité des œuvres, c’est l’engagement profond d’une artiste pour qui la création est un fil de vie, une manière d’être dans ce monde. Ginette Ash. 50 ans d’art donne à voir non seulement un grand parcours de vie, mais une fidélité: celle d’une femme qui, depuis un demi-siècle, avance avec la couleur comme complice, avec la lumière comme horizon, et pour qui peindre n’est pas un geste, mais un mode de vie.
– critique de l’exposition Ginette Ash. 50 ans d’art, 24 novembre 2025

