Par HeleneCaroline Fournier et Corinne Venet
La force d’un sculpteur
François Thomas est un homme orchestre, un touche à tout : Depuis toujours, il cherche à communiquer, à partager ses idées avec les autres. Ainsi il s’exprime de mille et une façons depuis son adolescence.
François Thomas est né en 1955. Après plusieurs années d’études universitaires, il fait une première reconversion pour devenir plâtrier et « se frotter à la matière ». Après avoir attrapé le virus de la photographie, il est attiré, au milieu des années 80 par les mots. C’est ainsi qu’il commence à écrire des romans qui seront publiés chez Manuscrit quelques années plus tard. En 1998, il se met à sculpter pour le plaisir de découvrir une nouvelle matière. L’écrivain en lui fait place au sculpteur. Il décide de s’y consacrer entièrement. Il façonne la matière ligneuse dans tous ses états bruts : bois ramassé dans le jardin, bois de récupération, vieux meubles… Viendront s’ajouter ensuite d’autres matières aussi hétérocycliques que variées : le plastique, le verre, le sable, le fil de fer, les clous, les vis, le vernis, la peinture de bricolage, etc. Artiste autodidacte, il refuse d’être catalogué : ce n’est ni un intellectuel ni un manuel ! Sa démarche, c’est le partage de sa vision du monde. En 2004, il a travaillé sur le thème de la souffrance sous toutes ses formes. François Thomas est marié à Nadine Thomas, dit NAD la Nomade. Ce couple d’artistes (auteur-sculpteur et peintre) vit côte à côte, chacun dans son domaine artistique mais complémentaire. Une saine émulation les lie tous les deux: « L’autre est toujours le premier spectateur, le premier critique aussi, d’une oeuvre qui vient de naître ». La symbiose est un acte qui se vit au quotidien. On parle souvent du duo Thomas dans les articles : François est l’instigateur des projets — il crée une sculpture ou une structure dans l’espace — et Nadine l’habille et lui donne des couleurs. Même si la complémentarité offre une structure de travail fiable sur laquelle François peut se reposer avec assurance, il n’en reste pas moins que les obstacles sont nombreux sur la route qui mène à la reconnaissance et au succès d’un artiste. Habituellement, François Thomas, ne s’entoure que de sa pièce de bois ou de pierre et de ses outils. S’il doit travailler en intérieur, il lui faut tous ses objets de récupération qui lui permettront de compléter une structure ou une sculpture, soit en bois soit en métal. S’il doit travailler à l’extérieur, il évite le vent. Pour pouvoir bouger autour de ses longues pièces, souvent encombrantes dans un espace restreint, l’artiste préfère l’extérieur. Regarder sa pièce de loin pendant qu’il travaille dessus demande une aire de travail spacieuse et des conditions climatiques adéquates. Lorsqu’il s’agit de vernir, cirer ou encore de faire un travail de préparation, comme l’enlèvement de l’écorce sur une pièce de bois brute, l’artiste choisit plutôt un endroit qui est couvert. Le seul moment où il ne travaille pas chez lui c’est lorsqu’il doit travailler devant un public, lors de manifestation ou d’installation. Son atelier est ouvert aux gens sauf quand il s’agit d’une sculpture sur pierre. La luminosité est également très importante, d’une part à cause de la matière qui est souvent foncée et, d’autre part, à cause du relief. Le jeu de lumière accentue le relief donc la visibilité sur le lieu de travail et avec des outils tranchants, il est tout naturel de songer à un endroit bien éclairé ! Pour toutes ces raisons, l’artiste sculpte évidemment pendant la journée avec quelques contraintes au niveau de ses horaires puisque le bruit accompagne tous ses gestes… Toutefois, la période créative est reliée à la nuit : il revoit la sculpture en cours de réalisation, il cherche les défauts, il cherche des solutions, parfois des changements de direction, etc. En un mot, c’est le bouillonnement créatif qui prend la relève jusqu’au moment où l’artiste reprendra ses outils pour poursuivre son oeuvre. L’exercice créatif auquel se livre François Thomas débute toujours par les matériaux qu’il a sous la main. A partir du brut, il visualise le produit final. La rencontre entre un état intérieur, des sensations intérieures et le matériau sont des éléments d’une équation complexe d’où résultera la création d’une sculpture. Bien qu’il ne privilégie pas l’esthétisme ni la prouesse technique, l’artiste est profondément passionné par son travail. Il reste lucide quant à la chance de percer au niveau international, mais s’il avait à donner un conseil à un jeune artiste, il lui dirait de foncer tout en assurant ses arrières avec un métier « plus traditionnel ». Il n’y a que cela de vrai : la passion, la détermination, la foi… C’est ce qui fait la force d’un homme.