Par HeleneCaroline Fournier
Fabienne Löpez, d’origine bolivienne est née à Paris. Diplômée de l’Ecole Nationale Supérieure des Beaux-Arts de Paris, elle vit tantôt en France, tantôt en Amérique Centrale. Son parcours est une aventure exaltante qui la conduit jusqu’à Rabat, capitale marocaine, dans une exposition solo trois années de suite et aux Etats-Unis pour une exposition de groupe à New-York. Médaillée d’or et d’argent, elle a accumulé au cours de sa carrière nombre de distinctions. Comme le dit si bien l’artiste : « L’oeuvre est un repère de la peinture intellectuelle. La pensée inhibe le côté naturel de l’être humain. Car trop référencé culturellement, il faut donner la possibilité à l’esprit de garder son libre-arbitre. L’amateur d’art ne doit pas subir, mais s’épanouir devant la toile ou la sculpture ». Assurément, Fabienne Löpez a su se repérer à travers l’art car elle nous offre aujourd’hui plus d’une centaine d’oeuvres qui ne laissent pas insensible. Ses oeuvres du Maroc, de Cuba et d’Andalousie, art plus traditionnel, nous ouvrent des horizons qui racontent leur propre histoire empreinte de chaleur autant au niveau humain qu’artistique. Ses oeuvres les plus récentes sont plus abstraites, mais illustrent malgré tout quelques silhouettes figuratives que l’on devine dans l’étude de ses oeuvres toujours très riches en luminosité. Aujourd’hui, Fabienne Löpez est représentée au Canada par un agent d’artistes et est cotée autant en Europe qu’en Amérique du Nord. Pour Fabienne Löpez, être artiste, c’est regarder les choses et les êtres d’une façon non conventionnelle. C’est également regarder une scène du quotidien avec curiosité, avec étonnement et y trouver, à chaque fois, quelque chose de différent. « C’est rompre avec l’habitude qui nous voile le regard ». L’artiste se marginalise de la société, ses préoccupations ne rentrent pas dans le cadre de la raison. Il est toujours en quête de création et cela ne rime pas obligatoirement avec réussite sociale. C’est en effet, le constat que l’on retrouve chez plusieurs artistes qui considèrent également qu’être artiste, c’est avant tout un mode de vie et une manière de penser qui ne s’inscrivent pas souvent dans la logique et les priorités existentielles de la société actuelle. « Malheureusement, j’ai l’impression que dans notre société actuelle l’artiste a de moins en moins de place », avoue-t-elle lors d’une entrevue. La société, cherchant un « artiste-marchandise » ou un « artiste- produit-commercial » plutôt qu’un artiste authentique inspiré par ses affects, laisse pour compte tous les artistes investis d’une passion qui ne cadrent pas spécialement avec les attentes d’un marché « institutionnalisé » qui doit être rentable à n’importe quel prix. C’est le triste topo d’une société de mondialisation qui n’a que faire des artistes qui créent pour le plaisir et pour l’amour de l’art – et non pour la séduction d’un marché dictatorial où la commercialisation (mais surtout la rentabilité) des marchandises dites artistiques est le summum de leurs préoccupations. Cela explique sans doute que nous sommes « effectivement passés aujourd’hui dans l’ère du n’importe quoi. L’artiste veut réussir par tous les moyens, il est à l’image de la société marchande : une imposture ! (…) L’artiste ne doit pas être l’esclave de la mode ». Malgré tout cela, trouve-t-on un sens à sa vie en étant artiste ? Comme plusieurs autres artistes qui ont répondu à notre question, Fabienne Löpez affirme que c’est grâce à l’art qu’elle vit… et c’est la vie qui l’a conduite vers l’abstraction. Au fil du temps, en retournant dans des endroits déjà connus, prenant conscience que tout avait changé, elle s’est interrogée sur les instants si fragiles du moment présent. Découvrant la maladie d’Alzheimer à travers sa mère, l’expérience l’a confortée dans sa nouvelle démarche : l’abstraction – car elle venait de comprendre que même les souvenirs n’existaient pas. « L’apparence des êtres et des lieux ne sont qu’illusion. L’essentiel est permanent, mais non cernable. Cet essentiel va au-delà de l’apparence connue ». A travers la maladie, elle a appris que l’Amour existait au-delà de toute référence connue. « Les couleurs, les rythmes, les pleins et les vides suscitent l’émotion, nous emplissent le coeur et, ce, dans un langage universel. Le bonheur est à l’intérieur de nous-mêmes et ne varie pas avec l’endroit, le climat ou l’apparence des lieux ». L’abstrait est, pour elle, comparable à la musique. Chaque couleur est là pour participer à la vibration harmonieuse de toute la toile. Il faut simplement trouver les bons accords.
Lire l’article de la revue L’ArtZoomeur (Dossier: Les artistes d’aujourd’hui) en pdf