L’ART ET LA CULTURE, UN DIVERTISSEMENT

Au Canada, seuls les intellectuels (dé)voués à l’art ont senti la véritable tempête qui a secoué la France pendant plus d’une décennie. Beaucoup d’auteurs (critiques d’art, théoriciens de l’art, sociologues de l’art, etc.) en ont parlé. Alors que les paramètres de l’art classique disparaissaient, perdaient leurs limites, leurs frontières, leurs règles établies, certains ont compris que l’art contemporain n’avait pas besoin d’un « manuel-du-parfait-artiste-en-art-contemporain » pour être validé. Avec cette crise qui a commencé dans les années 1990, « rien et n’importe quoi » pouvait être appelé de l’« art ». Ici, au Canada, mais plus particulièrement au Québec, puisque nous sommes dans un autre système, un autre marché, une autre mentalité face à l’art (et, surtout, puisque nous n’avons jamais été un lieu-phare pour l’art), nous n’avons pas eu la même vision de cette « crise » de l’art. Les artistes en arts visuels ont poursuivi leur vie artistique comme si de rien n’était. S’il y a eu une crise, c’était surtout une crise de marché, une crise des ventes, à cause du contexte économique global. L’art et la culture, au Canada, se retrouvent souvent dans la rubrique divertissement dans le journal. L’art est tellement un divertissement qu’il ne figure pas dans les campagnes électorales et encore moins dans les programmes de développement économique des élus. Les arts visuels sont exactement comme la littérature, le cinéma, le théâtre, les arts de la scène ou du cirque, bien que le cinéma soit une industrie qui génère des bénéfices, que les artistes de la scène réunissent à faire salle comble (avant la pandémie) et à gagner des millions par année… disons que certains domaines artistiques s’en tirent mieux que d’autres. Mais soyons honnêtes et disons les choses telles qu’elles le sont vraiment: les arts visuels sont les laissés pour compte de l’art. Peu d’artistes en arts visuels réussissent à vivre de leur art sans avoir un boulot de survie à côté. Je ne parle pas des artistes qui, à la retraite, se mettent à peindre, à sculpter ou à photographier. Ceux-là sont d’une classe à part, ayant « sacrifié » une partie de leur existence à gagner une retraite pour, finalement, se vouer à leur passion de longue date en deuxième carrière.

Aujourd’hui, dans un contexte pandémique qui perdure, où les galeries ferment, rouvrent, ferment, rouvrent et ferment finalement pour vrai (définitivement) faute d’un soutien adéquat du gouvernement, celui-ci ne parlera pas plus d’art et de culture dans ses éventuelles relances économiques. Il n’en parlera pas plus dans ses campagnes électorales (si ce n’est que pour annoncer de l’emploi pour tous). Dans une pénurie globale de main d’oeuvre, il y a déjà de l’emploi pour tous. Quelqu’un qui veut vraiment travailler peut trouver un emploi en un claquement de doigt. Et, puis, comme on le sait, les promesses électorales dépassent souvent les pensées des candidats. Une fois élus, les premières pertes de mémoire débutent pour eux.

TROIS QUESTIONS

Comment l’artiste peut trouver sa place dans la société actuelle en tant qu’artiste professionnel en arts visuels ? Pour répondre à cette grande question, il faut d’abord répondre à trois questions existentielles:
1) Qui suis-je vraiment ? C’est le « connais-toi toi-même ». En d’autres termes, suis-je artiste par nécessité, par opportunisme, par loisir et oisiveté ? Suis-je artiste pour de bonnes raisons ?
2) Qu’est-ce que je veux vraiment ? C’est le but ou la motivation à atteindre. Est-ce que le but est d’avoir de l’argent ? D’être connu(e), reconnu(e) ? D’avoir des prix et des distinctions pour mon travail ? De transmettre quelque chose ? De combler un besoin existentiel chez moi, chez l’autre ? De faire vivre une expérience esthétique, mystique, transcendante ? De simplement m’amuser avec de la couleur et des pinceaux ? Est-ce un but superficiel ou profond ?
3) Qu’est-ce que je veux (ou je peux) partager avec le public ? C’est le leitmotiv qui fait avancer les choses au niveau de l’art car l’art est une histoire de partage. Est-ce que je partage quelque chose de profond, de transcendant, d’excitant, de vrai, d’authentique ? Est-ce que ce partage peut faire la différence dans la vie de quelqu’un ?

TOUT CECI N’EST QU’UN DÉBUT

La pandémie a changé la donne pour plusieurs artistes. Le marché s’est modifié. Des lieux de diffusion ont fermé. Il était déjà difficile d’y entrer en tant qu’artiste, il sera encore plus difficile d’y entrer de façon permanente après la pandémie (si elle cesse un jour). La clientèle a changé ses habitudes. Elle achète désormais en ligne. Elle s’est habituée au confinement, aux mesures sanitaires. Elle ne sort plus autant qu’avant. Le divertissement se fait désormais à la maison, dans le confort et la sécurité du foyer. C’est un nouveau paradigme auquel l’artiste doit s’adapter pour survivre.

La prochaine étape de ce monde en mutation ? C’est aux vrais artistes de l’écrire. L’art survivra s’il devient nécessaire… et pour devenir nécessaire, il doit combler un besoin chez le public. L’art doit dire, véhiculer quelque chose. Il doit exister et être partagé pour une bonne raison.

Alors, laissons de côté le « rien et n’importe quoi » de l’art contemporain car le public, en général, ne s’intéresse pas à « rien » (il s’intéresse à quelque chose, exactement le contraire de « rien ») et encore moins à « n’importe quoi ». Il faut quelque chose pour susciter son intérêt… et c’est par là que tout (re)commencera.