Avec un certain recul, en quoi cette pandémie a changé le cours de votre vie artistique ? Comment vivez-vous avec les nouvelles contraintes (port du masque, distanciation, nombre limité de gens dans un même endroit, frontières fermées, l’attente d’un vaccin, etc.) ? Avez-vous surmonté des obstacles que vous pensiez infranchissables de prime abord ? En quoi cette pandémie de 2020 vous a-t-elle révélé des choses à vous-mêmes ? Quel regard portez-vous sur 2021 au niveau de votre vie d’artiste professionnel(le) ?

Lors de son premier témoignage, le 20 juillet dernier, l’artiste franco-canadien, maître en beaux-arts, spécialiste des scènes maritimes, témoignait dans une prose que je n’avais pas osé retoucher.

Le revoici avec un certain recul face à la pandémie dans une nouvelle prose qui raconte sa vie.

Oeuvre LO

«Une poussière d’étoile, venue du néant, d’on-ne-sait-où… Je débarque. J’atterris. Masculin, Lorrain, petit, vingtième siècle, je déboule dans un désordre rustique. Je suis lâché-là… avec une mission? Perhaps… On n’a pas beaucoup d’infos. On doit tout découvrir, il faut apprendre… c’est parti: langé, talqué, vacciné, habillé, cartable sur le dos, je longe les peupliers, le stade, la poste… j’y suis, l’école, le préau, les chiffres, les lettres, les lieux, l’encre, la plume, le stylo, les interros, les récrés, les bases sont là… mais, il y a l’arrière des choses, la face cosmique et magique, la partie poétique, belle et chatoyante. J’écoute les maîtres, les instituteurs, les profs… mais mon esprit s’évade, vagabonde, il emprunte le trajet le plus rapide des synapses vers le songe, je suis rêveur. J’apprends à me connaître. Les années passent, je stocke les infos, les compile, les inspecte… l’esprit se forge, le corps s’entraine: maillot de bain, douche, piscine, brasse, respiration, compétition. Je grandis dans un carcan sport, étude, extrême, toujours plus vite, plus fort, plus loin, plus… plus… mais en nageant, dans l’humidité feutrée d’un liquide salvateur, mon esprit s’évade vers un ailleurs coloré, des remous océaniques s’infiltrent en mon inconscient, qui suis-je vraiment? Est-ce qu’il y a une possibilité, un moyen, une éventualité de pouvoir se connaître? Je suis un tas d’atomes lancés à une vitesse folle sur une sphère qui traverse les atmosphères, qui défie l’espace, qui pulvérise le temps… Qui suis-je? J’ai appris, j’ai nagé, j’ai gagné, j’ai perdu, j’ai expérimenté les sentiments, les attentes, les solitudes, les désespoirs, les joies, les peines, les sensations, etc. Il faut maintenant découvrir cette planète, direction la mer, le soleil, les bateaux, les traversées, les alizés, les vents forts, qui sifflent, qui fouettent, qui réussissent à matérialiser la forme d’une seconde, ces mistrals ou ces vents d’est qui polissent et transforment, l’espace d’un instant, ce moment d’éternité à surfer cette vague marbrée… elle est magnifique, turquoise, bleutée, intemporelle, bruyante, il faut la peindre! Je la peins, la repeins, je peins ce bateau, et celui-ci aussi, et… et puis, encore, celui-ci. Mon esprit monastique, logé dans ce cerveau balayé par les embruns salés, trouve sa plénitude dans ce moment quasi monacal du trait maintes fois répété, colorant cette toile, et puis celle-ci, et… encore celle-ci. Les années passent, flottent, glissent, faut-il vraiment chercher à se connaître ou essayer d’attraper ce petit moment de bonheur fugace qui parfois se présente? Tant de questions… si peu de réponses. Quelle énigme magnifique que cet univers qui nous est proposé, cet espèce de défi grandeur humaine qu’est la vie! Quelle splendeur que cet infiniment grand rejoigne cet infiniment petit dans une mélopée hasardeuse et juste, composition naturelle, notes de génies sur une portée géante et divine! Puis, vient l’amour qui aveugle tout l’appris, qui balaie toutes les règles, qui donne une puissance métaphysique à cette mélodie bien orchestrée… Ahh l’amour! Plus fort que les étoiles, plus puissant que la puissance, plus grand que l’éternité… puis vint la pandémie. Il faut se déprogrammer, tout oublier, se laisser porter par la musique du vent, ne pas chercher à lutter, faire corps avec le grand tout, laisser l’instinct jouer».

Oeuvre de LO

«Ce n’est pas un mur, c’est une onde… soon oh soon the light… cette musique, comme un mantra, m’accompagne, s’infiltre, clef de mes espoirs, m’aide et m’enivre. Il y a toujours un ailleurs, un demain, une immortalité à vivre».

Les pinceaux de LO voguent assurément comme avant, mais avec moins d’insouciance, plus de contraintes. L’important, entre deux déferlantes, c’est de savoir manoeuvrer dans la tourmente. Malgré les tempêtes, malgré le vent qui pousse dans la mauvaise direction, malgré les eaux troubles, il reste l’art pour s’arrimer et pour ressentir la liberté. Avec la philosophie de celui qui a navigué par des temps difficiles, il hausse les épaules, il y aura autre chose devant… un demain à vivre.

 

LO SUR INTERNET: son dossier d’artiste

LA CHRONIQUE HEBDOMADAIRE DE L’AUTOMNE
EXCLUSIVE À HEART

 

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