Avec un certain recul, en quoi cette pandémie a changé le cours de votre vie artistique ? Comment vivez-vous avec les nouvelles contraintes (port du masque, distanciation, nombre limité de gens dans un même endroit, frontières fermées, l’attente d’un vaccin, etc.) ? Avez-vous surmonté des obstacles que vous pensiez infranchissables de prime abord ? En quoi cette pandémie de 2020 vous a-t-elle révélé des choses à vous-mêmes ? Quel regard portez-vous sur 2021 au niveau de votre vie d’artiste professionnel(le) ?
Avec le recul, l’artiste sherbrookoise, Céline Roger, a constaté des changements dans sa vie. «Le monde tout entier est poussé vers l’inconnu, vers le changement, vers soi-même aussi. C’est cela qui est troublant car personne n’a choisi cette situation. Il y a cet événement que nous subissons, les répercussions qui nous poussent à faire des choix qui auront sûrement des conséquences à court, moyen et long termes. L’inconnu, ça fait peur… la peur, l’incertitude, l’instabilité nous tiennent en otage».
On se souviendra de son premier témoignage dans lequel Céline Roger attendait avec impatience son opération pour un cancer. La peur de mourir soit de la COVID, soit du cancer avait permis de trouver en elle des ressources insoupçonnées. «Depuis mon opération, au printemps dernier, j’ai dû m’arrêter environ 2 mois. J’ai dû… et j’ai pu. L’un des avantages de cette pandémie, honnêtement, malgré toutes les tuiles qui me sont arrivées, c’est d’avoir eu du temps. En fait, la vie nous oblige à prendre des tournants, à prendre des décisions différentes et à découvrir de nouvelles facettes de notre personnalité, de trouver de nouvelles ressources».
La pandémie a complètement changé la vie de Céline Roger. «Ma vie est complètement chambardée… et, savez-vous quoi, jusqu’à maintenant j’aime ça». Bien qu’elle adorait sa vie d’avant, elle apprécie le nouveau rythme de sa «nouvelle vie». Le stress s’est résorbé. «Je me sens comme un imposteur actuellement, car j’entends beaucoup de témoignages de gens qui vivent cela douloureusement… mais je constate, aussi, que je ne suis pas la seule à aimer ce train de vie ralenti parce que, même si je ne sors presque plus, je parle avec des gens quand même, je m’informe, je lis, etc.» Ce qui lui manque le plus de sa vie d’avant, c’est qu’elle côtoyait une centaine de gens par semaine, elle sortait, elle faisait à peu près tout ce qui lui plaisait. Ses ami(e)s lui manquent. «J’ai avancé pendant l’été, je regarde en avant. J’ai remplacé la majorité des gens par du temps pour moi, du temps en famille, du temps de création et du temps devant mon clavier. Peu à peu, je prends contact avec certaines personnes. Je crois que j’avais besoin de ce moment d’isolement, j’avais besoin de ce temps de réflexion, de repos et de remise en question». Dans les faits, sa famille s’est rapprochée. «Mes fils sont revenus à la maison, j’ai un chat et un chien en plus à la maison, et malheureusement un chat qui a disparu. Il y a eu un chambardement des lieux et dans mon horaire». Dans les faits, Céline Roger est restée la même, mais elle prend la vie de façon différente. Elle est toujours aussi positive, toujours avec des craintes, des angoisses et mille projets à réaliser, mais elle a avancé, évolué. «En fait, la Covid nous a obligé à prendre des décisions rapidement mais, en même temps, elle nous a permis de réfléchir sans trop de distraction». L’artiste n’hésite pas à dire qu’il est temps pour notre société d’écouter un peu plus les coeurs et de ralentir le rythme de vie pour revenir à une chose fondamentale: l’humain.
«Les personnes que nous sommes détermineront le reste. Les créatifs resteront créatifs peu importe leur milieu de travail, les entrepreneurs deviendront des leaders dans leur nouvel environnement. Je crois que nous devons tous saisir l’opportunité d’apprendre davantage et d’avancer et c’est ce que je fais actuellement. Je transforme mes deux passions: l’enseignement et la peinture. Je les ai adaptées au web. Je prépare actuellement une nouvelle façon de faire, pour moi, dans laquelle je pourrai peindre et enseigner en demeurant chez moi, à travers le web».
Pour ce qui est des contraintes, il y a des bons et des mauvais côtés. «Il y a des occasions où cela fait mon affaire que la personne en face de moi soit obligée de rester à 2 mètres de distance… et il y a d’autres occasions, comme faire un câlin à mes amies, qui me manque énormément».
L’artiste s’est adaptée. Au lieu de le démontrer avec un câlin, elle le dit. «Je mentionne à quel point sa présence me manque et que je suis contente de la voir. J’apprends actuellement à verbaliser plus facilement mes sentiments envers les gens qui m’entourent. Je prends le temps de dire ce que j’éprouve, car plus rien ne presse. En fait, la pandémie m’a appris à ralentir. Malgré tout l’automne est là, je suis en pleine insécurité financière et je vis plusieurs craintes avec ma démarche artistique professionnelle. Une deuxième vague est arrivée. On l’a vu arriver de loin. Je fais comme si la vie reprend tranquillement son cours mais, cette fois-ci, j’ai choisi. Il y a des contraintes, bien sûr, mais je fais réellement ce que je veux. Après maintes réflexions, si j’avais voulu faire autre chose, j’en aurais pris les moyens. J’aurais fait autrement. Ma liberté elle est là. Je me considère heureuse, chanceuse, de faire ce que je veux. J’ai un toit, de quoi me nourrir, de l’amour et je respire. Je suis vivante. Je suis là et je profite de chaque moment qui passe… en regardant droit devant».
Céline Roger regarde décidément vers l’avenir et c’est le premier pas vers une évolution personnelle. Darwin disait que «ce n’est pas la plus forte des espèces qui survit, ni la plus intelligente. C’est celle qui est la plus adaptable au changement» et nous en sommes tous là. L’adaptation est la clé et Céline Roger en est un bon exemple.
CÉLINE ROGER SUR INTERNET: son dossier d’artiste
LA CHRONIQUE HEBDOMADAIRE DE L’AUTOMNE
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