CHRONIQUE SUR LA FRANCOPHONIE DANS LES ARTS VISUELS AU CANADA
Cette série d’articles sur la réalité quotidienne des créateurs en arts visuels francophones et francophiles vivant dans un milieu à prédominance anglophone se poursuit. Cette chronique est une initiative personnelle d’HeleneCaroline Fournier, experte en art et théoricienne de l’art, rédactrice spécialisée et journaliste indépendante, qui a à coeur la francophonie pancanadienne et le marché de l’art du pays.
Qui sont ces artistes francophones et francophiles et quelle est leur réalité au quotidien ?
Robert B. Gougeon est un artiste francophone qui a participé à plusieurs expositions dans la région de Toronto et d’Ottawa. Il a exposé de façon permanente dans plusieurs galeries d’art au cours de sa carrière, tant au Québec qu’en Ontario, mais depuis 2017, il est représenté par la Galerie Côté Créations à Ottawa. Il a étudié à l’École d’art d’Ottawa et à l’Université d’Ottawa en géographie (gestion des ressources naturelles). Son travail a fait l’objet de plusieurs publications depuis quelques années. Jusqu’en 2024, on retrouvera ses oeuvres au salon Feuille d’Érable d’Air Canada à l’aéroport Heathrow en Angleterre.
L’artiste originaire d’Ottawa vient d’une famille francophone, mais a grandi dans une famille parfaitement bilingue. Depuis plus de 40 ans, il parle principalement le français à la maison, sa conjointe venant du Québec. Bien que sa langue maternelle soit le français, il avoue avoir plus de facilité à s’exprimer et surtout à écrire l’anglais. Il a fait ses études post-secondaires en anglais et travaille principalement en anglais. Son cercle social est partagé entre francophones et anglophones. Il s’identifie comme Canadien avant tout, mais de plus en plus comme Franco-Ontarien. Le fait d’être francophone lui a ouvert plusieurs portes. Le Bureau des Regroupements des Artistes Visuels de l’Ontario (BRAVO) a fait une grande différence dans sa vie d’artiste en appuyant son évolution artistique, en améliorant sa visibilité et la diffusion de son travail. Il y a plusieurs opportunités de travailler en français en Ontario avec le Conseil des Arts de l’Ontario et le Conseil des Arts du Canada. «La ville d’Ottawa offre ses services, y compris ses maintes activités artistiques dans les deux langues. Même la télévision locale Rogers m’a interviewé en français, à l’émission Entrenous», confirme l’artiste en entrevue. « J’aurai une exposition solo à la fin de l’année dans une galerie publique francophone de l’est de la ville ». Robert B. Gougeon a d’ailleurs fait partie d’une exposition spéciale bilingue en 2015, dans une galerie publique à Mississauga qui célébrait les 400 ans de présence francophone en Ontario. L’artiste vit sa francophonie comme un atout bien qu’il utilise l’anglais pour les médias sociaux. Son site Internet est partiellement bilingue et certains sites sur lesquels il expose, notamment un où il vend ses œuvres est uniquement anglophone ; sa clientèle étant principalement torontoise. BRAVO a contribué à la participation de nombreuses expositions en français. C’est d’ailleurs en partie grâce à BRAVO que l’artiste utilise à 50 % le français dans son travail artistique. «Yves Larocque a fait la différence pour moi et, sans lui, mes liens avec BRAVO auraient pu diminuer. Monsieur Larocque a été mon mentor et mon professeur pendant plusieurs années à l’École d’art d’Ottawa. Ses classes furent bilingues». A Ottawa, la présence du français est donc assez élevée. Par contre, à Toronto, c’est une autre réalité. «De ce que je connais de Toronto, c’est très anglais, mais l’équipe du Living Art Centre à Mississauga m’a servi en français». L’artiste avoue toutefois connaître très peu le marché de l’art dans le reste du Canada. Il aimerait connaître ses confrères artistes du Québec. «J’espère bien corriger cette lacune». Selon son expérience personnelle, l’artiste francophone a autant de chance d’obtenir une subvention que l’artiste anglophone auprès du Conseil des arts du Canada. Le regard que Robert B. Gougeon porte sur la présence du français dans son milieu est plutôt positif. «Le français a possiblement augmenté, mais ce n’est qu’une perception en conséquence de ma plus grande participation dans le milieu artistique francophone».
Comment pourrait-on améliorer la situation du français dans les arts visuels ?
«Il faut promouvoir les artistes francophones et lutter pour maintenir les services francophones en place. Les changements démographiques et le populisme ascendant ne favorisent pas le français. J’ai lu récemment que l’importance attribuée au bilinguisme diminue depuis des années avec les enjeux séparatistes au Québec».
L’artiste pense que c’est un net avantage d’être francophone – ou bilingue – avec un nom très français. Cela contribue à l’authenticité que Robert B. Gougeon poursuit à travers son art.
Selon lui, tisser des liens entre artistes à travers le pays, mais aussi au niveau international, pourrait aider les artistes francophones en arts visuels à créer de nouvelles ouvertures dans leur carrière. «Il faut toujours bouger et promouvoir son art. Avec une exposition contemporaine d’une durée de 5 ans à l’aéroport international Heathrow, je pense possiblement contribuer un peu à la visibilité des artistes canadiens français».
Les nombreuses compressions budgétaires de l’Ontario n’annoncent rien de bon pour l’avenir de la francophonie dans cette partie du pays. «Nous nous retrouverons possiblement avec des opportunités moindres que les autres minorités importantes de la province. Ce n’est qu’une question de temps pour que les changements démographiques érodent nos services (en français) malgré l’histoire et la Constitution».
L’angle de vue selon les chiffres
Selon le Recensement de 2016 [1], les données exactes, concernant la langue maternelle en Ontario des 13 312 870 personnes recensées, démontrent que 8 902 320 d’entre elles ont l’anglais comme langue maternelle, comparativement à 490 720 qui ont le français. Les gens ayant grandi dans les deux langues officielles sont 54 045. Les allophones sont au nombre de 3 553 925. Les gens pour qui l’anglais et une langue non officielle sont leur langue maternelle sont de l’ordre de 288 285, tandis que les gens pour qui le français et une langue non officielle se chiffrent à 12 565. Ceux qui ont, pour langue maternelle, l’anglais, le français et une autre langue non officielle sont, quant à eux, 11 010 personnes.
La communauté francophone de l’Ontario est la plus importante au Canada à l’extérieur du Québec. En 2016, Ottawa comptait 934 243 habitants, dont un grand nombre de francophones. Selon la carte des communautés francophones du Canada [2], pour la seule ville d’Ottawa (toujours en se basant sur le Recensement 2016), il y aurait 392 810 francophones dont 169 780 personnes pour qui le français serait la langue maternelle.
Selon un article de Radio-Canada [3], publié le 2 août 2017, les statistiques indiquent que « les francophones représentent 13,7 % de la population de la capitale, alors qu’ils représentaient 14,2 % en 2011, soit une baisse de 0,5 %. La proportion de citoyen dont la langue maternelle est l’anglais enregistre un plus fort recul. Les anglophones représentent 60,9 % de la population en 2016, contre 62,3 % en 2011, soit une baisse de 1,4 % ».
Selon la Fédération des communautés francophones et acadienne du Canada (FCFA) [4], il y aurait, au pays, 10 millions de personnes parlant français, et 2,7 millions d’entre elles habiteraient ailleurs qu’au Québec.
Robert B. Gougeon, Ottawa, Ontario
Sources:
[1] Le Recensement 2016 – voir le site
[2] Les communautés francophones du Canada – voir la carte
[3] La proportion de francophones en recul à Ottawa et à Gatineau – lire l’article
[4] Fédération des communautés francophones et acadiennes du Canada – voir le site
Pour retrouver l’artiste Robert B. Gougeon sur Internet:
https://www.robertgougeon.com
Les images illustrant cet article sont diffusées avec la permission de l’artiste.