Pour moi, l’art visuel, c’est exprimer l’invisible et de pouvoir ensuite y percevoir tout un univers dans lequel on pressent la vérité.
« J’ai un petit atelier, parce que je n’ai pas de grands besoins. » Māheśvarī s’accommode de peu, en effet. « Il suffit d’une table, d’une chaise et d’un espace de rangement pour mon papier, mes outils et mes fournitures de travail. Je peux ainsi travailler n’importe où, autant en intérieur qu’en extérieur, en voyage ou chez moi. » Son atelier est là où il a besoin d’être. « Une table de 1 mètre ou, au mieux, 1,20m de large est suffisant pour placer mon papier et mes outils de travail car j’aime bien avoir tout sous la main quand je dessine à l’encre. Évidemment, la température ambiante doit être confortable pour dessiner. » Son besoin minime en matière d’espace lui offre l’opportunité d’être confortable à peu près partout où il y a un coin de table ou même un bout de comptoir. « Je trouve l’espace dans mon sujet, dans mes scènes, plutôt que dans l’environnement de travail. Je ne pense pas agrandir mon espace de travail, car cela ne servirait à rien. Je n’en serais pas plus heureuse ni plus malheureuse. » Limitée par la dimension du papier, l’unique support qu’elle utilise, l’artiste n’a aucune intention de créer des oeuvres monumentales. « Je travaille à plat et, comme mes pinceaux de calligraphie sont de petites tailles, il serait impensable de créer une oeuvre gigantesque. » De plus, elle utilise du papier de format standard. Le papier chinois PiMade Xuan (fabriqué à partir de bambou de haute qualité) est de format de 35 x 69 cm, c’est le format le plus large qu’elle utilise. Le papier aquarelle Canson ou Strathmore est lui aussi très standard (le format le plus large est de 9 x 12 pouces). Donc, une surface plane de 1 mètre de large pour travailler est suffisant.
L’artiste canado-française, qui dessine depuis plusieurs années, dans le silence et la solitude en se tenant loin du public, travaille à la lumière artificielle parce qu’elle travaille surtout en intérieur. Or, si elle devait choisir entre les deux, sa préférence irait à la lumière naturelle. La lumière des néons n’influence pas ses couleurs puisqu’elle travaille principalement à l’encre de Chine noire et en lavis (c’est-à-dire avec des nuances d’encre diluée). « Pour mes paysages, je travaille avec de l’encre noire principalement. Parfois, avec de l’encre d’autres couleurs, pour les animaux-symboles, quelques fois avec de l’aquarelle pour mes croquis. Les croquis ne sont pas assez importants pour que la lumière ait une incidence sur mon travail d’étude. »
« Pour moi, l’espace est contenu dans mon dessin, dans mon paysage ou ma scène. L’espace ou le manque d’espace physique n’a pas d’incidence directe. Je fais du sumi-e par passion. C’est une philosophie de vie. Je ferai quand même du sumi-e, même si j’habitais un palais ou un château. Pour moi, ce n’est pas le lieu physique (extérieur) qui compte, c’est le lieu intérieur dans lequel on se recueille pour peindre qui l’est. »
L’atelier de Māheśvarī est un lieu secret, intime et sacré. « C’est un temple, si l’on peut dire, alors je ne laisse personne y pénétrer. Le lieu de partage, pour moi, c’est plutôt le lieu d’exposition, loin de mon lieu de création qui est silencieux. C’est mon coin personnel où je peux m’évader de mes obligations et de mes préoccupations. C’est un espace de méditation où l’inspiration vient parfois me toucher de son aile subtile, loin du tumulte de la vie quotidienne. Quand je fais une pause, entre deux dessins, je peux faire entrer des mantras ou de la musique douce, mais quand je reprends le pinceau, c’est dans un silence et une solitude absolue. »
Elle prend les pinceaux plusieurs heures par semaine. « Je dessine tous les jours, mais je ne compte pas les minutes ou les heures car ce n’est pas la quantité qui compte mais la qualité. Plusieurs dessins partent à la poubelle, d’autres sont placés dans un cartable, ce qui me permet de voir l’évolution de mes sujets à travers le temps, comme un journal intime dessiné, puisque chaque dessin représente quelque chose de ma vie ou de mon état d’âme, d’un moment précis de ma vie. Ma production annuelle est limitée, car très peu de dessins seront présentés au public pour être mis en vente. Je garde souvent tout ce que je réalise pour moi. Avant 2021, je n’avais aucun désir de présenter mon travail en public. » L’hiver est une période plus propice à la création. « Mes paysages sont souvent liés à l’hiver. La saison froide est plus casanière, donc je suis plus apte à me rapprocher de ma table à dessin. L’été, je vis à l’extérieur. J’ai d’autres occupations qui me font délaisser le dessin. Je ne dessine donc pas autant qu’en hiver. »
Si l’artiste se contente de peu d’espace pour travailler, tout un cérémonial accompagne néanmoins l’artiste. D’abord la préparation du thé, puis une phase méditative où elle visualise le sujet dans sa tête. Elle prépare ensuite ses outils dans le silence, calmement, lentement. Elle sélectionne le type de papier sur lequel elle souhaite travailler en fonction de leur dimension. Le sujet devient plus visible au fur et à mesure qu’elle se laisse envahir par les outils (pinceaux), les fournitures (encre) et le format de papier choisi. « Je prévois plusieurs papiers de même dimension. Le premier jet est une préparation, comme on pose les grandes lignes de ses idées sur papier, sans les ordonner. Le deuxième dessin est déjà plus ordonné. Le troisième ou le quatrième est souvent celui que je vais conserver. Il est plus près de ce que j’avais en tête. Occasionnellement, il y a une non-pensée qui suggère que ce sont les outils qui décident à leur façon de ce qui sera étalé sur papier. Je laisse les erreurs survenir. Une tache malencontreuse peut devenir une silhouette, quelque chose de non prévu, mais qui donnera un élément essentiel au paysage ou à la scène. D’ailleurs, une fois, j’ai voulu faire un rocher et la silhouette du rocher suggérait un moine vu de dos. J’ai compris que c’était le moine qui souhaitait être dans le paysage sous un arbre plutôt qu’un rocher. C’était très net que c’était l’outil qui avait décidé pour moi. Même chose pour un paysage, créé avec une non-pensée, qui se regarde aussi bien dans le sens de la hauteur que dans le sens de la largeur. »
L’artiste porte du noir pour être en phase avec le travail à l’encre noire. Il ne lui viendrait pas à l’idée de porter du blanc pour travailler à l’encre. Par son processus créatif particulier, elle ne travaille jamais devant un public. Son environnement exige de la solitude et du silence. « La plus grande révélation se trouve dans le silence. Pour moi, l’art ne reproduit pas le visible, il rend visible l’invisible, et cela ne peut se faire que dans la quiétude. »
Elle n’a jamais eu d’atelier ouvert au public et n’ouvrira jamais son atelier au public. « Je vends mes oeuvres en ligne depuis 2021. J’ai une agente qui me représente au niveau international. J’expose au Musée d’art contemporain VR 3D depuis 2022. Je ne compte pas exposer ailleurs dans les années à venir. Je ne compte pas, non plus, ouvrir mon atelier à personne. J’ai pris un nom d’artiste pour rester anonyme et pour que mon travail soit plus important que moi en tant que personne. »
SUR INTERNET
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