Par HeleneCaroline Fournier
Qui sont les collectionneurs ? A quoi ressemblent-ils ? Où se cachent-ils ? Selon une étude sérieuse sur le sujet, il semblerait que les propriétaires de collections ont entre quarante et soixante ans. Ils ont commencé leur collection avec des oeuvres des années 60. Ils appartiennent souvent au monde des affaires ou ont des professions liées à la création ou à la communication : industriels, gros commerçants, financiers, promoteurs, architectes, décorateurs, propriétaires d’agence de publicité, producteurs de télévision et de cinéma, acteurs, professionnels de la communication et de la télécommunication, etc. L’itinéraire du collectionneur progressiste obéit à la logique du goût qui va des oeuvres aisément accessibles et compréhensibles aux recherches novatrices dont l’entendement nécessite une initiation, voire un apprentissage particulier. Les collectionneurs ont en général un parcours qui les a conduit, selon leur degré de familiarité avec l’histoire de l’art, de leur admiration pour de grands noms, ou de leur fréquentation dans le cercle fermé de l’élite, à la frénésie contemporaine. Le grand collectionneur se forme et s’informe par relations, conversations et imprégnation. Ses guides sont les artistes, les autres collectionneurs et, plus particulièrement, les marchands. L’influence des critiques s’exerce à travers les textes et celle des conservateurs à travers les expositions, encore que le partage des tâches entre les premiers et les seconds ne soit pas toujours aussi marqué. Le grand collectionneur d’art contemporain a une pratique assidue et intense de toutes les activités en relation avec l’art. Il est membre d’associations, visite les ateliers, les galeries, les musées et les salons internationaux. Il voyage. Il assiste aux ventes publiques d’art contemporain.
Il lit régulièrement des dizaines de revues spécialisées et collectionne les catalogues des expositions. Comme celle du grand amateur de vin, la consommation du collectionneur de peintures et ou de sculptures s’intensifie à mesure qu’elle évolue dans le temps. L’activité du collectionneur exige un investissement en temps qui en fait une sorte de second métier. Le plaisir de sociabilité, le plaisir de contemporanéité, le plaisir de connaissance et le plaisir de création occupent une place majeure dans la personnalité de ces individus. La fréquentation du monde de l’art est appréciée pour les agréments de sociabilité qu’elle procure. Ils ont la chance de participer à l’histoire, de contribuer à l’éclosion d’un artiste à un niveau des plus enviables car le collectionneur de pointe achète ce que les autres n’achètent pas encore. Ils contribuent ainsi, sinon à faire l’histoire de l’art, du moins à définir l’esthétique du moment. Les grands collectionneurs font volontiers état des étapes de leur initiation, comme de leur investissement intellectuel dans la recherche, dans la quête du « Talent ». Ils insistent sur leur attachement à une forme d’intelligence artistique qui déchiffre et raisonne, évalue et compare, et que la difficulté de compréhension exalte. Les collectionneurs s’identifient à ce qu’ils possèdent, à la collection qui est leur « création » et leur donne un sentiment d’accomplissement.
Aujourd’hui, plus qu’hier, les collectionneurs participent à la « valorisation », c’est-à-dire à établir la valeur d’un artiste, et à la « consécration » de l’artiste. Les comportements du collectionneur, quelles qu’en soient les motivations : avouées, inavouées, avouables ou inavouables, conscientes ou inconscientes, sont objectivement orientés vers les gains en capital culturel, social et financier. Néanmoins, au coeur du monde de l’art, se situe l’artiste et c’est la rencontre avec le Créateur lui-même qui constitue la suprême gratification pour eux.