De tout temps, la température a influencé les artistes dans leur pratique artistique. Les artistes qui peignent sur le motif sont, sans doute, les plus affectés, du fait qu’ils sont en contact direct avec leur sujet. Tout au long des quatre saisons, ces artistes bravent les éléments pour peindre aux quatre vents, face à la nature si vivante, si changeante. Plusieurs peintres paysagers, par exemple, n’hésitent pas à se geler les doigts pour capter cette merveille luminosité des paysages enneigés ou les couleurs de l’automne sous la pluie. Ils n’hésitent pas à installer leur chevalet sur les derniers bancs de neige fondant dès les premiers signes de verdure timide du printemps ou de s’enduire de crème solaire pour échapper aux brûlures du soleil en plein été.

 

Les photographes, pour qui la nature sauvage est leur sujet de prédilection, sont également directement touchés par leur environnement de travail. Certains d’entre eux restent des heures, cachés, tapis, sous la pluie, dans le froid, pour saisir le moment parfait qui sera immortalisé, pour photographier l’animal sauvage qui sort enfin de son antre. L’attente du sujet parfait, de la lumière parfaite, peut être une aventure qui exige des heures de patience. Ces passionnés – qu’ils soient peintres sur le motif et/ou photographes de la nature – sont des baroudeurs de l’art, ne reculant devant rien pour aller au bout de leurs exigences artistiques.

Or, contrairement à ce que l’on pourrait penser, les peintres d’atelier sont également affectés par la température extérieure. La perte de la luminosité naturelle les oblige à utiliser une lumière artificielle qui n’aura pas les mêmes propriétés. Les couleurs chez l’artiste en seront automatiquement influencées. Certains peintres compenseront par la saturation de leur couleurs, comme si elles devaient porter en elles la luminosité extérieure qui fait défaut. En effet, l’adaptation ne se fait pas sans certains compromis qui se verront, en tout premier lieu, dans les couleurs retranscrites.

Quant à ceux qui s’inspirent directement de leur environnement quotidien, ils seront plus enclin à peindre des scènes enneigées en hiver plutôt qu’en plein été. C’est une forme d’influence inconsciente que le climat peut avoir sur un artiste. Il est rare de parler des problèmes liés aux saisons, des problèmes physiques, comme l’arthrite (les rhumatismes) qui affectent plusieurs canadiens. Certains artistes souffrent terriblement des articulations des membres supérieurs et leur pratique se fait dans la douleur (plus ou moins quotidienne) jusqu’au printemps où ils sont délivrés de ces inconvénients saisonniers. Le rythme des saisons peut affecter leur biorythme. Ils peuvent se sentir moins en phase créative en automne, au moment où les jours sont les plus courts, et avoir un regain d’énergie au printemps, quand tout autour d’eux semble reprendre vie.

Les effets de la température touchent l’artiste. Le gel figeant tranquillement une rivière, les feuilles mortes luisant sous la pluie, la mousse du sous-bois plus verte qu’à l’habitude, etc., ce ne sont là que quelques exemples de ce que le regard de l’artiste peut capter dans les changements des éléments de la nature. Les changements de température peuvent faire ressortir de façon inattendue de nouvelles couleurs, une nouvelle lumière, un nouveau jeu d’ombres. Le vent dans les arbres peut animer d’un nouveau dynamisme le paysage de l’artiste pleinairiste. Sous ses yeux, il peut retranscrire les nouvelles couleurs que la tombée de la nuit apporte de minute en minute. La rosée du matin apporte une poésie nouvelle à un paysage qui, une heure plus tard, est d’une banalité sans égale. Le soleil, à son zénith, baignant un lieu de sa lumière crue, diffère de celui du crépuscule. L’artiste saisit le moment précis de ces changements lumineux pour en tirer la quintessence artistique. La neige appaise les scènes urbaines, la pluie lave les ruelles qui n’auraient aucun intérêt artistique sans ces filtres naturels posés sur ces lieux ordinaires. Pour le commun des mortels, non artiste, ces changements n’ont aucune incidence particulière, sinon sur l’humeur du moment. Pour l’artiste, la qualité de la lumière, la façon dont la lumière frappe un objet est d’une importance capitale.

Les peintres animaliers sont également influencés par les saisons. S’il ne peignent pas tous sur le motif, ils ont néanmoins un grand souci de réalisme. Placer un animal dans un environnement particulier, en respectant une certaine cohésion de l’habitat, suppose une connaissance du sujet et de son environnement naturel. Il suppose également une connaissance des habitudes cycliques du sujet: reproduction, gestation, migration, hibernation, etc. Le peintre animalier est soumis aux cycles naturels de ses sujets.

Les peintres qui se spécialisent dans les marines sont également influencés par les saisons. Point de bateaux en hiver; ils sont en cale sèche. En hiver, l’artiste peint à partir de photos, attendant de pouvoir arpenter de nouveau les marinas et les ports. En été, il est plus facile de peindre sur le motif ou de refaire le stock de photos en prévision de la production hivernale, en atelier. Il peut aussi être soumis aux changements climatiques: il peut se rabattre sur les brise-glaces en hiver, faute d’avoir un sujet marin de plaisance sous la main.

Les peintres qui réalisent des sujets floraux sont influencés de la même manière que les peintres animaliers. Leurs sujets de prédilection ont leur propre cycle de croissance et de floraison. S’ils peignent sur le motif, ils ont très peu de temps pour saisir la floraison. S’ils peignent des scènes générales, le sujet doit être placé dans un environnement réaliste par rapport à la saison exprimée en peinture. En effet, on ne place pas une tulipe éclatante de couleur aux côtés d’un tournesol en fleurs. Le floral exige une connaissance précise du sujet. Le peintre qui se spécialise dans le tournesol aura très peu de temps pour saisir son sujet s’il le peint sur le motif. Il peut être contraint de travailler à partir de photos le reste de l’année.

Ce ne sont là que quelques exemples de l’influence directe de l’environnement sur les artistes spécialisés.

Il n’existe pas de schéma type de toutes les influences que l’environnement peut produire chez les artistes peintres car chacun est différent et vit le passage des saisons à sa façon. Le regard de chacun change car le temps passe pour tous. Nous sommes tous influencés par la température, qu’il fasse beau ou pas. Parfois l’humeur est au diapason avec la météo et l’inspiration s’en ressent inévitablement.

Les images ont été utilisées avec l’accord des artistes
Claude Grondin, Céline Roger, Réjane Tremblay, CHAGUY,
LO, Ginette Ash