Oeuvre expliquée par l’herméneutique de l’art par HeleneCaroline Fournier, experte en art et théoricienne de l’art

 

Lâcher prise est une oeuvre d’une dimension d’un mètre carré. C’est une peinture réalisée par Sophie Lebeuf, alias SOFIA, qui utilise la technique de l’acrylique-bauxite, une alchimie dont elle seule connaît la recette exacte. Ce rouge-orangé, terreux, caractérise sa palette de couleurs. Le jeu du clair-obscur produit un élan dynamique à sa composition qui n’est jamais statique. C’est la dualité d’oxyde rouge et de cobalt qui va, par la suite, supporter toute la composition du tableau. Couleurs et matière modèlent les formes, donnent une puissante sensation de mystère, modelant une atmosphère. Les rapports de masse et de contraste s’organisent entre sensualité et force, entre fluidité et puissance.

Tout spécialement dans cette oeuvre, le bleu y est omniprésent dans des variations tonales. Les correspondances entre les océans et les profondeurs de notre psychisme sont telles qu’ils pourraient tous deux être des formes visibles et invisibles de la même réalité. Leurs régions les plus abyssales sont en grande partie insondables. En chacun de nous, des eaux salées, amniotiques, circulent dans nos veines mnémoniques.

Le bleu est la plus profonde des couleurs : le regard s’y enfonce sans rencontrer aucun obstacle et s’y perd à l’infini. Cette couleur est liée à l’éternité, à l’au-delà, à la beauté surnaturelle, au détachement terrestre car elle est la plus immatérielle des couleurs. Psychologiquement, le bleu est à mi-chemin entre le noir du désespoir et le blanc de l’espoir, suggérant un état de réflexion et de détachement. Associé aux ombres et aux ténèbres, le bleu apporte de la profondeur. Il est le chemin où le réel se transforme en imaginaire.

La terre s’oppose symboliquement au ciel, elle est la substance universelle, la materia prima séparée des eaux, une matrice qui conçoit les sources, les minerais, les métaux. Assimilée à la mère, la terre symbolise la fécondité et la régénération.

L’eau est à la fois source de vie, moyen de purification et centre de régénérescence. Ces trois thèmes se rencontrent dans les traditions les plus anciennes.

L’air est le troisième élément visible dans cette œuvre. Elle correspond au Ciel qui est une manifestation directe de la transcendance, de la puissance. Le ciel est universellement le symbole des puissances supérieures à l’homme, bienveillantes ou redoutables. Ici, la vie y est célébrée par la danse, sous forme de langage ; une libre expression – un lâcher prise – une libération dans l’extase.

Le personnage mi-humain, mi-oiseau sert de relation entre les éléments. Cette femme-oiseau symbolise la légèreté, la libération de la pesanteur terrestre. Dans plusieurs traditions anciennes, l’oiseau qui s’envole représente l’âme qui s’échappe du corps tel un souffle.

L’air, la terre, l’eau et le feu sont les éléments. Le feu n’est pas représenté visuellement dans cette oeuvre, mais se retrouve subtilement dans l’utilisation de la bauxite, minerai tiré de la terre, transformé par la science alchimique à très haute température et utilisé par l’artiste. Le feu est donc omniprésent pour contrebalancer les autres éléments visuellement très présents. Il fait également référence au feu de la passion exprimée.

Le brun se situe entre le roux et le noir. Il va de l’ocre à la terre foncée. Il est tout naturellement associé à la terre et vient équilibrer tout ce bleu omniprésent qui renvoie à l’immensité. Couleur froide et chaude offrent ainsi un heureux mélange tout en spirale, symbole ouvert et optimiste qui représente en somme les rythmes répétés de la vie, le caractère cyclique de l’évolution, la permanence de l’être sous la fugacité du mouvement libéré.

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Lâcher prise, acrylique-bauxite, 40x40po – Oeuvre de Sophie Lebeuf (SOFIA)