Certains artistes en arts visuels crient haut et fort à l’injustice de devoir payer pour exposer leurs œuvres. Le point de vue est différent pour ceux qui louent leurs murs et leur espace et qui en ont fait leur business. Lors d’expositions de grande envergure, les organisateurs d’événements doivent payer une location (souvent un très grand espace) et ces locations sont démesurément onéreuses selon l’endroit choisi et le type d’événement organisé (louer la halle aux foires, la halle expo, le palais des congrès, etc. coûte excessivement cher). Il en résulte que, dans les salons internationaux et les foires internationales d’art contemporain en Europe, les galeries exposantes doivent payer une fortune pour un stand. Dans ces événements, on paie au mètre carré et le stand de départ (pour un artiste seul, par exemple) fait 8 mètres carré. On oblige les galeries, dans certains salons, à débuter avec un stand de 20 mètres carré. Après, la dimension du stand, pour une galerie exposante, devient une histoire de moyens financiers et de prestige. L’élite se réserve évidemment les meilleurs endroits et les plus gros stands. Les artistes présentés lors de ces événements contribuent collectivement par le biais d’une inscription auprès de la galerie exposante à défrayer le coût de la location. L’union fait la force, dit-on. Dans ce cas-ci, c’est l’union qui permet d’avoir accès à des endroits d’exposition qui seraient inaccessibles en étant un artiste seul ou une galerie seule. Pour ces exposants (galeries et artistes), les frais de communication se rajoutent dans certains cas. L’obligation de figurer dans le catalogue d’exposition peut atteindre 500 euros en sus du coût du stand, des taxes et des options (table ou chaise supplémentaire, stand avec tapis, stand avec connexion Internet, avec électricité, avec éclairage, avec aire de rangement fermée, etc.) Chaque salon a ses options pour optimiser l’impact visuel des stands-locataires. Les frais se multiplient pour les exposants ; souvent des galeries qui présentent leurs « meilleurs vendeurs » ou des collectifs qui se partagent les frais et l’espace d’un petit stand dans l’espoir de rembourser leurs frais d’expo par des ventes. Murs et espaces exposables sont un business et les nombreux artistes qui veulent avoir une visibilité en galerie ou hors galerie contribuent à créer la demande. En plus des salons internationaux ou les foires d’art européennes, certaines galeries – autant françaises que canadiennes – louent leurs murs au mètre linéaire ou font payer un loyer mensuel pour un espace en galerie dédié à l’artiste-locateur. Libre aux artistes d’entrer ou non dans ce système où toutes les valeurs sont faussées par la capacité de payer sa place en galerie. Il existe néanmoins des endroits publics qui sont gratuits. Parmi ces lieux, on retrouve des restaurants, des salons de coiffure, des halls d’hôtels, des boutiques en tout genre, des bibliothèques, etc. Il faut savoir dénicher un endroit approprié qui a des murs à « décorer » car certains lieux voient la chose sous cet angle. Parfois les petits endroits insolites sont les meilleurs lieux d’exposition qui existent ; les ventes peuvent être conséquentes, bien qu’il n’y ait aucune règle définie pour garantir la réussite d’une exposition ! Certains artistes préféreront sortir des sentiers battus pour proposer leurs œuvres dans des endroits inattendus. C’est une question de choix personnel. Les symposiums et les festivals de peinture conviennent à certains artistes alors que d’autres préfèrent une stabilité dans un lieu où ils n’auront pas à monter et démonter chaque jour leur exposition. En règle générale, les artistes ne peuvent échapper aux frais d’inscription dès lors qu’il s’agisse d’événements (salons, foires, symposiums, festivals, expositions collectives, etc.). C’est l’actuelle réalité des artistes en arts visuels. Si le système des valeurs était différent, les choses seraient différentes pour les artistes.

Un effort est toutefois fourni par des organismes gouvernementaux, régionaux ou municipaux pour proposer des lieux d’exposition gratuits, sans commission en cas de vente, mais ces endroits sont difficiles d’accès du fait de leur grande popularité auprès des artistes et des politiques culturelles de certaines municipalités qui déterminent le choix des artistes (en effet, certaines politiques culturelles visent à promouvoir exclusivement les artistes de la relève, parfois exclusivement les artistes de la municipalité ou encore exclusivement les artistes qui travaillent un médium précis – rares sont les endroits ouverts aux artistes d’autres régions ou d’autres pays et qui présentent tous les médiums sans discrimination). Des dossiers, souvent compliqués, doivent être présentés et les « meilleurs » sont retenus par un comité de sélection. Les maisons des arts et de la culture, les lieux historiques, les mairies, etc. proposent des expositions sans frais d’inscription ou à frais modérés pour promouvoir les arts et la culture. Ce ne sont certes pas des galeries d’art au sens conventionnel du terme, mais l’artiste peut s’y retrouver largement dans certains cas (on a déjà vu des mairies acheter des œuvres). Les lieux historiques (châteaux ou autres) ont l’avantage d’attirer une clientèle plus sensible à la culture. Il n’y a pas de honte à exposer ailleurs qu’en galerie, mais pour ceux qui choisissent ces lieux ou les marchands d’art particuliers, il ne faut pas s’étonner de devoir 50 % du prix de vente en commission (voire plus) lorsque l’œuvre est vendue. Un pourcentage exorbitant diront les artistes, un montant justifié diront les vendeurs qui ont, eux aussi, des frais à payer pour exercer leur profession. Un dialogue différent selon l’angle de vue. Quant à savoir à partir de quel moment il y a exagération, c’est à chacun d’y répondre. Plus l’artiste grimpe l’échelle de la notoriété, plus il est sollicité. Il peut utiliser cette notoriété pour se faire désirer et obtenir quelques privilèges, mais il n’échappera pas à tout ; les frais de salon, les commissions en cas de vente, etc. le rattraperont.

La vie d’un artiste n’est pas facile et ce, peu importe le niveau où il se situe. Pour schématiser grossièrement : L’artiste de la relève rêve de devenir professionnel, mais il a du mal à trouver des lieux d’exposition parce qu’il n’est pas pris au sérieux ; l’artiste semi-pro veut lâcher son boulot alimentaire pour vivre entièrement de son art, mais il a peur de ne pas pouvoir survivre financièrement au changement ; le professionnel veut augmenter sa production, le nombre de ses points de vente et être reconnu dans d’autres pays ; l’artiste international veut séduire les grands collectionneurs et les musées pour entrer dans l’Histoire de l’Art ou pour qu’on dise un jour « ce fut un grand artiste ». Au cœur du problème : le nerf de la guerre – l’argent. Il en faut pour vivre, il en faut pour peindre ou pour sculpter, il en faut pour exposer et se faire connaître. Même le commerçant de tableaux qui veut prendre d’assaut les halles d’un petit centre marchand (ou un espace dans un centre commercial) doit louer son emplacement. Personne n’y échappe.

Être exposé, oui, mais à quel prix ?

La question reste ouverte…


Paru orginellement dans ArtZoom Connection 2011-2012

Par HeleneCaroline Fournier