Martin Gaudreault, comment avez-vous vécu votre confinement au niveau de votre pratique artistique?
Martin Gaudreault est originaire de Roberval (au Saguenay-Lac-St-Jean). Il a étudié en art et technologie des médias, en développement économique, en intervention andragogique et en administration. En plus d’être directeur général de l’Office d’habitation des 5 Fleurons à Roberval, bénévole dans de nombreux organismes régionaux, membre de nombreuses associations artistiques au Canada et en Europe, Chevalier académique, membre de l’Ordre du Bleuet pour les Arts et la Culture (etc., etc.), il est également un photographe professionnel très respecté qui expose ses œuvres dans plusieurs pays. D’ailleurs, par la diversité de ses publications, son travail a été diffusé, à ce jour, dans une soixantaine de pays. Martin Gaudreault interprète les paysages sous son regard de passionné. Il met en lumière les détails de la nature et des paysages dans lesquels la poésie est particulièrement présente.
Pour son témoignage, il a décidé d’écrire une lettre à cet intrus qui s’est ramené dans nos vies sans y être invité. «Cher Coronavirus», débute-t-il, «tu sais, je suis un travailleur des services essentiels et, aussi, un artiste photographe. Tu es arrivé dans nos vies et la mienne, en mars dernier. Je constate que certaines règles de bienséance ont manqué, avant de t’installer dans notre quotidien». Le photographe s’exprime sur le ton de l’humour. «Ta présence a chamboulé nos vies, la mienne, celles de mes proches aussi. Elle a subitement mis fin à de nombreux projets de ma feuille de route d’artiste car, même si tu l’ignorais, j’en suis un. Mon calendrier d’exposition a cessé de tourner ses pages depuis, mais ne t’en fais pas, même si tu as foutu le Québec en pause, mon cerveau, lui, n’a pas cessé de fonctionner. Tu ne croyais quand même pas, qu’en plus de nous compliquer la vie, que ma créativité allait s’éteindre!». A contrario de nombreux artistes qui ont perdu le goût de produire, Martin Gaudreault s’est farouchement armé d’optimisme. «N’as-tu pas vu poindre un arc-en-ciel?», lui demande le photographe, dans sa lettre, en faisant référence à l’élan de solidarité qui s’est levé contre le vilain virus un peu partout dans le monde. «Au début, j’ai bien cru que tu aurais le dessus. Mon énergie et ma capacité à imaginer n’étaient plus au rendez-vous. Je m’étais presque résigné. Je me disais « on verra plus tard ». A quoi bon vouloir créer quand je n’ai plus personne à qui montrer mes photographies!». Le photographe ne s’est pas laissé abattre très longtemps. «J’ai eu cette étincelle en observant par la fenêtre ce bel arc-en-ciel, habilement dessiné par les tout-petits, signe d’espoir coloré des jours meilleurs après la tempête… bref tout ce que, nous, les humains nous aspirions en ce moment si particulier. Tu te souviens de « ça va bien aller! »?» Cette phrase, devenue slogan d’espoir, a été reprise comme un mantra guérisseur. Nous l’avons tous vu accolée aux arcs-en-ciel qui fleurissaient de partout. Martin Gaudreault a décidé de déjouer le virus, de trouver ses failles et de s’amuser de lui… en lui faisant un pied de nez.
«Par un beau samedi, on a sorti l’huile à salade, les plats de verre, l’eau et le savon à vaisselle et pourquoi pas une belle lumière, savamment installée, sur la table de la salle à manger. Attention virus, ne crois pas que je t’invite à manger. Prends plutôt conscience que je te déjoue et que je suis en plein délire de créativité. Je me rappelle que, comme photographe, certains m’appellent « le poète de la pellicule ». Je comprends ta déception, mais je suis plutôt en phase de satisfaction!» Il a suffit d’un peu d’astuce pour le déjouer avec grâce. « Les bulles se forment, l’appareil photo ne suffit plus à la tâche. Les premiers clichés sont ordinaires. Je suis déboussolé, comme un général d’armée, je me dis que j’ai perdu, à cause de toi, mes repères. Je suis sans mot, presque effondré». Le photographe a vite rebondi sur ses pieds. «Je revois mes stratégies, je passe à l’attaque et je réussis à créer»… de beaux arcs-en-ciel, justement! «Incroyable, comme ton visage savonneux m’a bien fait rigoler. Tu verras, j’ai même réussi à illustrer, l’espoir d’un monde meilleur. Cette créativité, elle est en nous. L’espèce humaine, dont je fais partie, est plus forte que toi. D’ailleurs, ce n’est pas pour rien que tu vis dans les méandres du corps humain». En plus de ridiculiser le coronavirus en le rabaissant au niveau plus-bas-que-zéro, le photographe va même jusqu’à le remercier; véritable coup de grâce par l’optimisme serein. «Merci de me permettre cette pause, elle me permet de créer et de me développer. Je me découvre des capacités artistiques inconnues. Merci de me laisser m’épanouir autrement. Moins de stress, moins de pression. Oh! bien sûr les ventes ne sont pas au rendez-vous. Mais dis-toi que ce n’est que partie remise ! Tu sais, cher virus, toi tu détruis, tu nous exaspères! Mais moi, comme artiste, je fais du bien. J’écoute les cœurs. J’entends les applaudissements. Je réussis à faire surgir la joie. Parfois, on verse des larmes devant mes œuvres, des larmes de bonheur, alors que toi…» Martin Gaudreault, qui nous faisait déjà voir la poésie à travers ses paysages, nous surprend agréablement par sa plume qu’il nous avait cachée jusqu’alors.
Souviens-toi, Coronavirus, tu es éphémère et dans un espace-temps indéfini, tu ne seras qu’un vague souvenir intangible, alors que mes œuvres seront là, pour l’éternité. Je te laisse sur cette question: Qui de nous deux aura la meilleure longévité ? Pose-toi sincèrement la question. Tu verras la réponse, elle viendra bien avant le vaccin qui nous permettra de t’éteindre pour l’éternité ! Bon voyage !
Personnellement, à défaut de trouver une formule aussi poétique que celle de Martin Gaudreault, j’aurais utilisé la célèbre réplique du Terminator.
MARTIN GAUDREAULT SUR INTERNET: son dossier d’artiste