Entrevue – première partie
Le « Défi 15 dessins 15 semaines » est une initiative lancée pour aider les artistes en arts visuels à vivre de leur art, par la vente en ligne de leurs oeuvres. Les artistes en arts visuels, comme bien d’autres du monde des arts (que ce soit la danse, la musique, les arts du cirque, la littérature, le théâtre, etc.), ont été durement touchés par la pandémie COVID-19 puisque les restrictions avaient causé la fermeture des lieux de diffusion. A cause des nombreuses restrictions du gouvernement, centres d’art, maisons de la culture, galeries, musées, tous étaient fermés. Même les ateliers personnels et les studios d’artistes avaient dû fermer leurs portes pour un laps de temps plus ou moins long. Les artistes en arts visuels, livrés à eux-mêmes, déjà dans une précarité financière puisqu’ils sont, pour la plupart, des travailleurs autonomes, s’étaient donc tournés vers des activités à distance (expositions virtuelles, diffusion de leur art sur les réseaux sociaux, cours en ligne, vente en ligne, etc.). Pour apporter de l’eau à leur moulin, pour faire tourner la roue malgré tout, le « Défi 15 dessins 15 semaines » a été réfléchi en mai et lancé dès le 1er juin.
Ginette Ash, B. DUMONT RENARD, Pierre Bureau, Muriel Cayet, Jocelyn Fafard, Daniel Joyal, Nathalie Landry, Steeve Lechasseur, LO, Luc Nadon, MAHESVARI, Marcel Mussely, Marie-France Roy, Marie-Françoise Sztuka et Réjane Tremblay sont les quinze artistes participants. Parmi eux, quelques artistes français.
Quelle était leur motivation au tout début de cette aventure ? Quelle est leur impression après ces quelques semaines de particiation ? Tous interrogés, quelques-uns ont néanmoins accepté de répondre aux questions.
Pour Muriel Cayet, artiste et art-thérapeute de France, la motivation première était la créativité. «Cela me plaît de toujours inventer, être dans la recherche, de supports, médiums, outils, etc. Alors, grâce à ce défi, je suis au travail de recherche, le seul qui m’intéresse vraiment; être en chemin, inventive, attentive, impliquée, concernée, et renouveler le geste et le sentiment». Les artistes de son atelier suivent d’ailleurs le défi lancé en réalisant, pour certains, un dessin par semaine en plus de leur travail pictural à l’acrylique. «Il faut alterner, reconstituer la fibre et le terreau de sa créativité, ne pas être toujours dans le même geste ou faire toujours la même chose ! Puisque le tout n’est pas de faire, mais d’être !»
Pour Mahesvari, artiste du Canada, le défi avait plusieurs facettes et ressemblait à un dépassement personnel. «J’avais envie de relever le challenge pour perfectionner mon dessin. Cela m’a permis en même temps de prendre de l’assurance au fil des semaines et de partager mon travail avec le public, ce que je n’avais jamais fait auparavant puisque je dessinais à l’encre dans le silence et la solitude, le contact avec le public ne faisant pas partie de mon processus artistique. Je créais pour l’amour de l’art, tout simplement. Pour moi, le défi de 15 semaines est surtout de sortir de ma zone de confort pendant un temps et d’expérimenter de nouveaux sujets et de nouvelles techniques». Elle ne manque pas de mentionner que les choses de la vie nous rattrapent facilement «on se crée des obligations quotidiennes, on devient occupé très rapidement et l’art a souvent tendance à être mis de côté. Avec ce challenge, c’est le contraire qui se produit. L’art est mis de l’avant et tout le reste est mis de côté. On prend alors conscience que l’art est un bien-fait, une thérapie et une nécessité dans la vie. C’est un moment de paix intérieure où l’on se pose réellement. Le rythme de la vie diminue, le stress disparaît, et on se sent plus en phase avec soi-même. Ce challenge a changé ma perception de l’art et l’a rendu plus présent dans ma vie, si je puis dire… plus important, en tout cas».
Pour Marie-France Roy, artiste du Canada, c’était un défi stimulant en même temps qu’une évolution artistique semaine après semaine. «Ce qui m’a stimulé, c’est le fait que c’est un court délai, et je voulais créer 15 oeuvres originales, une semaine à la fois, en ayant un thème continu, une exposition évolutive. Ce qui est très bon pour la créativité. Mon premier dessin, intitulé «Regard», c’était voulu. C’est à partir de ce thème que j’ai créé la suite. Alors, «Regard sur mes oeuvres, Regard sur ma créativité»… Après ces quelques semaines, j’aime ça de plus en plus, c’est de plus en plus stimulant. Et surtout, les gens peuvent voir un autre aspect de mon art. C’est une belle visibilité et surtout un beau défi ».
Un défi reste un défi. N’allez pas croire qu’il est facile de dessiner une oeuvre par semaine, même si se sont des artistes en arts visuels. Le dessin est une discipline à part entière. Cela peut être très exigent.
Pour Pierre Bureau, artiste pastelliste du Canada, le défi en était tout un. «Ma première motivation était de sortir de ma torpeur et de mon inaction artistique en raison d’une abondance d’œuvres autour de moi et de la pandémie qui me confinait dans cet univers où la surabondance nuit à la recherche d’une subsistance, même si cette dernière est la créativité. Chassez le naturel, il reviendra au galop! Je réalise que je suis motivé par les défis. Et même si ma première réaction est de me retirer et de laisser cela aux autres, j’ai toujours un brin de curiosité qui vient me titiller par après. Une hésitation, une appréhension au regret (j’aurais dont dû), alors j’ai plongé !» Il a plongé tête baissée dans ce défi et tout s’est enclenché pour lui. «Mais le plus difficile, c’est la contrainte que je dois transformer en discipline. J’aime bien prendre mon temps et voir venir. Et voir venir aux sept jours, c’est rapide! De plus, tout arrive en même temps. On dirait que l’Univers est comme un éternel printemps; un bourgeon éclate, des milliards d’autres suivent. Je suis débordé par l’accouchement de multiples travaux et projets».
Pour Nathalie Landry, artiste du Canada, la motivation était de «sortir de ma zone de confort et m’amuser». C’était également l’occasion de se familiariser avec certaines techniques, certains médiums, qu’elle utilisait moins souvent. «Impression après 5 semaines: Toujours motivée, travaillant sur une collection en ce moment, je trouve intéressant de pouvoir décrocher et changer complètement d’univers l’instant d’un dessin. Aussi, cela donne aux artistes une belle opportunité de visibilité».
La vitrine qu’offre le « Défi 15 dessins 15 semaines » a permis de faire connaître le défi au-delà des frontières du Québec, mais également les artistes qui y participaient, notamment par le biais d’une promotion continue sur le web et sur les réseaux sociaux, mais aussi par une production audiovisuelle qui a lancé le défi en juin dernier en présentant les 15 braves participants.
Pour LO, artiste franco-canadien, c’est l’occasion d’une aventure imaginaire artistique. «Aussi loin que je me souvienne, j’ai toujours dessiné, rempli les marges des cahiers, gribouillé le blanc des nappes en papier. Dans les tréfonds de ma mémoire trône un crayon de papier, une pointe Bic, un coin de feuille». L’artiste a toujours aimé les bandes dessinées. «Depuis l’enfance, tous mes temps libres sont occupés au dessin». L’artiste s’est dit «pourquoi pas ?» Il a vu ce défi comme une occasion de s’essayer à une sorte de suite dessinée de 15 bulles, comme une page de BD, peut-être une historiette, ou alors une sobre narration graphique et graphite. «Au début un homme seul sur un quai, qui tire des plans pour un éventuel départ, juste une idée de voyage, un ailleurs illustré… puis la réflexion, ou la méditation, ou tout autre mot en « ion »… un retour sur lui-même… puis…. puis…. puis on verra, je verrai. Un défi de 15 dessins, 15 semaines, pour moi pour qui le temps et les contraintes revêtent un caractère ésotérique, je ne sais pas, je m’essaie, chaque semaine un autre dessin, j’espère aller au bout, peut-être… ou alors laisser mon personnage dans ses pérégrinations, ses rêves, assis sur le bord de son bateau à divaguer, bercé par une houle cadencée». LO donne ses impressions après ces quelques semaines de participation. «Le dessin est en moi, je suis dans le dessin, vivre sa vie, dessiner sa vie, la réalité, la fantasmagorie, la frontière est ténue entre les traits d’un dessin et l’illusion du réel. Mes impressions après ces premières semaines? Le grand architecte de cet univers doit aimer les formes douces d’un graphisme intemporel».
Pour Réjane Tremblay, artiste aquarelliste du Canada, « ce défi, au départ, m’a emballée car il m’obligeait à m’investir artistiquement pendant la période estivale ce que j’aurais peut-être négligé, étant donné qu’il n’y a pas de symposium. C’était aussi une belle occasion pour améliorer mon temps d’exécution et parfaire la qualité de mon dessin. Je crois modestement que c’est réussi, et c’est un vrai plaisir chaque semaine ».
Pour Jocelyn Fafard, artiste du Canada, le défi a relancé sa créativité. « Je m’étais retrouvé à cours d’inspiration depuis presque 2 ans, ce qui m’a amené à peindre beaucoup moins. Je suis donc revenu à ce que je faisais avant de peindre: du dessin, beaucoup de dessin. D’abord au crayon graphite, j’ai ensuite découvert le dessin à l’encre. Un changement de médium et de technique m’a permis de retrouver l’inspiration et le plaisir de créer. On dit que l’appétit vient en mangeant, je dirais que l’inspiration vient en créant. Relever des défis est la meilleure source de motivation et quand j’ai découvert le défi 15 dessins/15 semaines, je l’ai tout de suite relevé et j’y trouve beaucoup de plaisir. Je compte bien prolonger le défi à 20, 30, 50… »
Toutes les oeuvres des 15 artistes participants se trouvent sur une page dédiée à l’évènement sur le site de HEART, Au coeur de l’art – magazine des arts: Cliquez ici pour accéder la page.
Les oeuvres originales sont à vendre directement auprès des artistes, aucune commission n’est donc prise par une tierce partie ou par un intermédiaire.
Le #defi15dessins15semaines est également un appel lancé aux amateurs et aux collectionneurs d’art. Il se termine à la fin de la semaine du 7 septembre (soit le 14 septembre).
Merci de soutenir les artistes ❤️