CHRONIQUE SUR LA FRANCOPHONIE DANS LES ARTS VISUELS AU CANADA
Cette série d’articles sur la réalité quotidienne des créateurs en arts visuels francophones et francophiles vivant dans un milieu à prédominance anglophone se poursuit. Cette chronique est une initiative personnelle d’HeleneCaroline Fournier, experte en art et théoricienne de l’art, rédactrice spécialisée et journaliste indépendante, qui a à coeur la francophonie pancanadienne et le marché de l’art du pays.
Qui sont ces artistes francophones et francophiles et quelle est leur réalité au quotidien ?
Malgré les nombreuses années passées dans un milieu majoritairement anglophone, Danièle Petit a continué d’utiliser le français à la maison. Le fait d’être une artiste francophone dans ce milieu n’est pas vraiment un obstacle pour elle, bien que, selon elle, les contacts sont sans doute moins évidents. « Il existe, outre la langue, la différence de culture artistique. Par exemple, nos références aux artistes plus ou moins contemporains sont souvent très différentes. Lors d’une récente discussion avec des artistes bilingues de l’Alberta, je faisais référence au peintre et sculpteur Jean Dubuffet, mais personne ne le connaissait. Même chose avec Niky de Saint Phalle !». Les références sont souvent américaines « mais cela donne lieu à des échanges intéressants », affirme Danièle Petit qui note que les nus artistiques se font plus rares dans le Canada anglophone. A part quelques exceptions comme le CAVA (Centre d’art francophone de l’Alberta) et le RAFA (Regroupement des artistes francophones de l’Alberta), tout se fait en anglais dans le milieu des arts. L’artiste préfèrerait vraiment utiliser le français dans les salons, les symposiums, les festivals ou les concours, mais « la plupart du temps, ce n’est pas un choix, ça se passe en anglais ». L’artiste qui fait partie du collectif francophone DEVENIR (composé de Sabine Lecorre-Moore, Doris Charest, Karen Blanchet et Patricia Lortie) utilise l’anglais à 80 % dans sa communication, mais « il arrive qu’on nous laisse faire des invitations bilingues ». La proportion de l’utilisation du français ou de la présence du français dans le marché de l’art de l’Alberta est très faible même si certaines galeries commerciales proposent de plus en plus d’artistes québécois. Selon une discussion entendue tout récemment, l’artiste raconte: « Deux de mes collègues voulant tenter leur chance auprès du Conseil des Arts du Canada pour obtenir une bourse pour un projet précis se sont renseignées auprès d’un conseiller à savoir s’il était préférable de rédiger la demande en français ou en anglais ». La réponse reçue a décontenancé les deux artistes: « Vous pouvez la faire en français, votre demande sera traduite », leur a-t-on répondu. Au final, les artistes francophones ont décidé de déposer leur demande en anglais. Or, au hasard d’un atelier pour le développement des artistes en arts visuels, l’un des mentors raconte que rien ne l’horripile plus que lorsqu’il fait partie d’un jury pour le Conseil des arts du Canada de tomber sur des artistes francophones qui font leur demande en anglais. « Voilà qui ne facilite guère le cheminement de l’artiste francophone », remarque Danièle Petit.
L’angle de vue selon les chiffres
Près de 100 000 personnes francophones vivent actuellement en Alberta sur 4 026 650 habitants [1]. Selon la Fédération des communautés francophones et acadiennes du Canada (FCFA), il y a 10 millions de personnes qui parlent français au pays, dont 2,7 millions d’entre elles habitent ailleurs qu’au Québec [2]. Il existe d’ailleurs une carte interactive très utile pour retrouver toutes les ressources francophones au pays [3].
Pour retrouver l’artiste Danièe Petit sur Internet:
http://danielepetitartiste.com/
Les images illustrant cet article sont diffusées avec la permission de l’artiste.
Danièle Petit, Edmonton, Alberta
Sources:
[1] Le Recensement 2016 – voir le site
[2] Fédération des communautés francophones et acadiennes du Canada – voir le site
[3] Les communautés francophones du Canada – voir la carte