Céline Roger, comment avez-vous vécu votre confinement au niveau de votre pratique artistique ?

Céline Roger est une artiste originaire de Montréal qui vit à Sherbrooke. Dès sa prime enfance, l’art est très présent dans sa vie. D’ailleurs, à l’âge de 7 ans, elle sait déjà qu’elle deviendra un jour artiste peintre. Dès 1980, elle suit des cours dans divers domaines artistique. En 1998, elle s’initie à la peinture grâce à son père. C’est là qu’elle va réaliser sa première toile. En 2003, Céline Roger rencontre un artiste qui lui parle avec fougue du métier de peintre. C’est à ce moment qu’elle prend la décision de suivre de nouveaux cours et de développer plus amplement cet attrait pour la peinture. En 2004, sa carrière débute véritablement; la peinture, elle en fait son travail à temps plein. Quelques années plus tard, en 2009-2010, elle expose en France pour la première fois de sa carrière. En 2012, elle délaisse fleurs et papillons pour les paysages typiques de Charlevoix. Au contact d’un groupe d’artistes pleinairistes de Charlevoix, qu’elle va fréquenter régulièrement, elle va se révéler comme peintre paysager. Aujourd’hui, avec l’expérience emmagasinée, Céline Roger suit définitivement les traces de ces grands artistes du Québec.

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Dans l’atelier de Céline Roger

Dans l’atelier de Céline Roger

Son témoignage est touchant car son confinement a été vécu comme une double angoisse, mais aussi comme une belle renaissance.

«J’ai vu arriver le coup quelques semaines d’avance en observant ce qui se passait déjà en Chine en décembre. Il me semblait évident que le reste de la planète allait y goûter. Dès la fin janvier, j’appréhendais cette période en recevant un diagnostic de cancer de l’utérus, on m’avisait que je serais opérée tôt, soit début mars».

Or, la précieuse chirurgie est repoussée à cause de l’état d’urgence sanitaire. Avant de recevoir le fameux coup de téléphone, Céline Roger s’était préparée mentalement à la situation. «Je me voyais entrer à l’hôpital un peu juste avant la pandémie ou en pleine crise… l’angoisse est arrivée. Les nuits d’insomnie ont débuté. J’ai annulé mes engagements pour les 3 mois qui s’en venaient». Aux nouvelles à la télé, à la radio, sur Internet, partout, le seul sujet était la COVID-19. Malheureusement, Céline Roger ne pouvait reprendre ses activités, même si elle savait qu’elle n’allait pas se faire opérer en mars. «J’étais tiraillée entre la peur que mon cancer se propage et que, le moment venu de l’opération, il soit trop tard, et la crainte d’attraper le virus». L’épée de Damoclès, au-dessus de sa tête, semble vouloir lui tomber dessus. Elle sent que sa vie est finie. «Dans ma tête, j’allais mourir…»

Oeuvre de Céline Roger

Oeuvre de Céline Roger

Heureusement pour elle, elle a un bon soutien psychologique. Ses enfants, mais surtout son mari, calment ses ardeurs. Son époux est «un rationnel qui sait comment me faire voir la vie sous un autre angle, au moment opportun». L’artiste réduit son temps de contemplation, elle, l’observatrice de la nature. Elle se met à écouter les nouvelles. «Plus j’écoutais les nouvelles, moins je dormais». Et puis, une journée, c’est la goutte d’angoisse de trop. «J’ai décidé que c’en était assez ! Je ne sais trop pourquoi, j’avais une urgence de vivre, de me sentir vivante, utile, malgré le confinement». Ses deux fils sont à la maison, toute la famille est à nouveau réunie. Elle partage d’ailleurs son atelier avec l’un de ses fils. Elle réorganise sa routine et un monde de possibilités s’ouvre à elle. «Dans ma tête les idées se bousculaient: Je me sentais un peu inutile. J’avais cessé de donner des cours de peinture, ma résidence pour l’année au centre culturel Pierre-Gobeil de Sherbrooke était mise sur la glace, une exposition de plus de 35 tableaux, puis l’exposition de Roberval, etc. Bref tout mon printemps était mis sur la glace pour un temps indéterminé».

Dans l’atelier de Céline Roger

Dans l’atelier de Céline Roger

Or, un matin, Céline Roger constate à la télévision que les personnes âgées continuent de sortir pour se désennuyer, que les parents sont débordés et que certaines familles s’ennuient. La créativité impérieuse de l’artiste la secoue. Elle décide de faire des «apparitions» en direct. «J’ai décidé d’offrir des cours de dessins, de peinture et de donner des idées d’activités pour l’intérieur… Bref, de jaser avec tout ce beau monde via les réseaux sociaux et de rendre l’art accessible». Au fur et à mesure que les jours passent, l’artiste a de nouvelles idées. «J’étais dans l’action. Certains jours j’oubliais même mon cancer. J’ai expérimenté le direct, j’ai pris confiance en moi encore plus».

Nous prenons rarement le temps de s’observer, de s’analyser, de se comparer et de tout mettre sur pause. Durant cette période, j’ai compris plusieurs choses qui changeront, une fois de plus, ma démarche artistique. J’ai aussi constaté tout le chemin parcouru par mes enfants qui vieillissent et deviennent de plus en plus matures. Par ma vie de couple et nos choix de vie que nous avons faits à travers les années, le confinement me confirme la solidité de notre union, ainsi que le respect, l’amour que nous avons l’un envers l’autre.

Céline Roger

Céline Roger

Dès le premier jour du déconfinement, Céline Roger se retrouve en salle d’opération. C’est un nouveau départ pour elle. «Un artiste ne prend pas de retraite, un artiste est en mode créatif constamment. Je me souviens qu’à 30 secondes d’arriver à la salle d’opération, j’y ai vu mon prochain tableau: des anges, des médecins (nommez-les comme vous le voulez) sont là, prêts à combattre, même fatigués. Je me sens choyée. J’ai été dorlotée et soignée par des hommes et des femmes d’exceptions qui, eux aussi, ne prendront probablement jamais de retraite».

Pour Céline Roger, la vie a repris son cours. «Je ne sais pas ce que les gens en retiendront [de cette pandémie]. Je crois que, pour certains, il y aura des deuils à faire. Le monde sera un brin différent. Maintenant, c’est à nous tous de passer à l’action et de rester concentrés sur le positif car, après tout cela, ça va finir par bien aller. Nous allons nous adapter et créer différemment».

CÉLINE ROGER SUR INTERNET: son dossier d’artiste

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Dossier spécial: Artistes, comment avez-vous vécu votre confinement au niveau de votre pratique artistique?

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