Un texte de réflexion sur la différence entre artiste et artisan qui sort des sentiers battus et qui ouvre la porte au questionnement sur leur statut.

En 2011, j’écrivais un article de réflexion intitulé « La frontière entre artistes et artisans d’art » qui a été publié dans la revue d’art L’ArtZoomeur (dossier : Au-delà des frontières) et repris sur des sites d’information artistique et culturelle. J’y présentais deux « artistans » (contraction des mots « artiste » et « artisan ») qui se démarquaient par leur maîtrise du geste et de la recherche poussée des techniques utilisées dans leur domaine respectif. Tout en véhiculant des traditions manuelles nobles et exigeantes, ils témoignaient ainsi de leur passion créative à travers leur labeur. Ces individus, à la fois artistes et artisans, transcendaient les matières pour en faire des œuvres uniques, artistiques et utilitaires.

Plusieurs artistes qui ont débuté une carrière en tant que dessinateur, peintre, sculpteur, photographe, etc. peuvent se diriger vers les métiers d’art pour une raison ou pour une autre qui, la plupart du temps, s’articule autour des impératifs de survie financière. Ils sont nombreux à le faire, sans forcément être membre officiel d’une association artistique ou d’un conseil en métiers d’art. Peu de gens s’intéressent à leur cheminement, à leurs besoins en tant que créateur ou encore à leur statut. Sont-ils des artistes ? Sont-ils des artisans ? Il n’existe pas de terme pour les définir ; ils ne sont que l’un ou l’autre. Ne serait-ce pas une pensée binaire que la société a par défaut?

Les temps changent. Les mentalités doivent changer également. Une évolution des statuts est nécessaire dans le domaine de la création.

Une double carrière dans la création

Guylaine Malo vit à Laval et expose ses œuvres au Canada depuis 1984. En 2003, elle commence à exposer au niveau international, notamment en France et en Belgique. Au fil des années, elle navigue entre le dessin, l’aquarelle et la peinture sur deux continents, passant de l’un à l’autre comme des étapes de développement professionnel, toujours poussée par cet ardent besoin de créer et de mettre en pratique la fertilité de son imagination. Parallèlement à sa carrière d’artiste en arts visuels, elle développe une autre passion: l’écologie. Elle commence à confectionner des objets en matière recyclée. Sa créativité n’ayant pas de limite, elle dessine des bijoux avant de les créer. Elle ne s’arrête pas aux bijoux en papier, en plastique ou en aluminium car l’artisane est, avant tout, une artiste. Elle crée des sacs à main en goupille de canette (en « pinouches » comme on dirait en bon québécois). Ce sont de véritables petits bijoux avec une finition intérieure très élégante au crochet. Ils sont beaux, légers, résistants aux saisons du Québec et… utiles ! Est-ce une artiste ou une artisane?

La différence entre « arts visuels » et « métiers d’art »

La Loi S-32.01 (La Loi sur le statut professionnel des artistes des arts visuels, des métiers d’art et de la littérature et sur leurs contrats avec les diffuseurs) décrit les arts visuels et les métiers d’art comme ceci :

1° «arts visuels» : la production d’oeuvres originales de recherche ou d’expression, uniques ou d’un nombre limité d’exemplaires, exprimées par la peinture, la sculpture, l’estampe, le dessin, l’illustration, la photographie, les arts textiles, l’installation, la performance, la vidéo d’art ou toute autre forme d’expression de même nature;
2° «métiers d’art» : la production d’oeuvres originales, uniques ou en multiples exemplaires, destinées à une fonction utilitaire, décorative ou d’expression et exprimées par l’exercice d’un métier relié à la transformation du bois, du cuir, des textiles, des métaux, des silicates ou de toute autre matière;

Ces définitions sont binaires ; c’est soit l’un, soit l’autre. Elle signifie que l’artiste s’adonne à l’artisanat en dilettante ou il est artisan et, donc, par conséquent, n’est pas artiste. Pour ceux et celles qui ont la création dans le sang, une telle définition ne trouve aucun écho avec la réalité de leur existence. Ils ne sont pas artistes du lundi au vendredi et artisans le samedi et le dimanche. Ils vivent leur création selon leur inspiration, portent parfois plusieurs chapeaux sans pour autant s’annihiler lorsqu’ils passent d’ «artistes» à «artisans». Il faut revoir les concepts, comme il faut revoir la définition de ce qu’est l’art. Il faut un terme qui combine les deux « états » parce qu’il est possible qu’une personne soit artiste-artisane ou artisane-artiste.

Quand je vois des objets issus des métiers d’art d’une précision à couper le souffle, d’une beauté qui me rend pantoise, que j’en ai la chair de poule devant le nombre d’heures passées à peaufiner l’objet en question, je me dis que ce sont des artistes qui en sont les artisans.

Tout le détail des produits en ligne – voir le site

Crédit photos: Courtoisie