L’UNIVERS HORS-NORME DE L’ART BRUT
Découverte de l’atelier d’un artiste canadien de l’art brut
Pierre Poulin a aménagé progressivement son atelier depuis 1990 en un lieu secret et intime ; un grand atelier en forme de «L», en deux sections d’environ 12 x 24 pieds (3,60m x 7,20m). Son espace de travail comporte plusieurs tables et un bureau pour le dessin et l’aquarelle. L’artiste bien connu de Lac-Beauport utilise tout l’espace dont il dispose et peint au milieu de ses nombreux outils de travail – toujours à la portée de la main – et de ses œuvres, très nombreuses dans son atelier et omniprésentes dans sa maison.
Environ un tiers de sa demeure est aménagé en atelier, dans lequel il a produit la majeure partie de ses œuvres, qui se chiffrent en milliers de peintures réalisées depuis plus de 25 ans.
Dans son environnement de travail, tout est à proximité, y compris les livres d’art. Une large bibliothèque se trouve néanmoins à l’étage, mais des livres, il y en a partout autour de lui. Pierre Poulin est un amoureux de l’art, un artoholic (un accro de l’art) sous toutes ses formes, tout comme sa conjointe d’ailleurs, qui possède une impressionnante collection de plus de 50 tableaux d’art moderne et d’art contemporain exposés à son école de danse, au Centre Uriel, à Québec.
L’artiste ne se contente pas de peindre en intérieur. Il peint également en extérieur, par tous les temps, été comme hiver.
La plupart de ses tableaux sont séchés au grand air, sinon gelés sur place, ce qui ajoute une signification particulière à son art brut réalisé parfois dans des conditions extrêmes.
Son environnement immédiat influence la dimension de ses œuvres. Par exemple, l’été, il peint en extérieur de grandes toiles qui lui prendront parfois jusqu’à 3 mois à être réalisées ; un travail sans cesse retouché jusqu’au rendu final, où il n’est plus question de toucher l’œuvre qui, selon lui, est prête à être quittée. «Il faut quitter le tableau, sinon on l’arrange
[et le côté brut peut alors disparaître]».
Les dimensions des œuvres diminuent en hiver, quand il est contraint de peindre en intérieur par temps de très grand froid. En déplacement, il poursuit la création ; il se concentre sur le dessin et sur l’aquarelle. Il maîtrise donc le petit et le grand format, mais sa préférence reste le grand format (au-delà de 30 x 40 pouces, soit au-delà de 75 x 100 cm).
Sa production est régulière : «au moins une [toile] par semaine, jusqu’à trois». Toutefois, ce n’est pas une règle absolue, puisque l’artiste a besoin du grand air pour préparer une œuvre. Il ne fait rien à la chaîne, ni même en série ; chaque œuvre est une rencontre, une expérience à vivre.
L’acte de créer, pour Pierre Poulin, se fait dans un état second, dans un état méditatif, avec de la musique de Vangelis. Il puise dans sa propre banque d’images pour composer son tableau. Il utilise également tout ce qui lui tombe sous la main pour créer : bois, miroir, prélart, tapis, skis…
Les matériaux hétéroclites qui composent ses œuvres, aussi divers qu’inusités, est l’une des spécificités de l’art brut, de l’art singulier ou de l’art inclassable. Pierre Poulin est un outsider de l’art, un «hors-piste», un «hors-norme». L’énergie canalisée au grand air, sur les montagnes, se transmet dans ses œuvres. L’émotion est transposée, car son art est fait, avant tout, d’émotions brutes dans lesquelles la demi-mesure n’existe pas.
«Quand je peins, je deviens un magicien», explique l’artiste avec simplicité. La magie s’opère dans son espace de travail ; le lieu est tout aussi inspirant qu’il est animé d’une énergie créatrice, accumulée depuis des années, qui rend possible la création. Une idée devient alors une œuvre. Il ne peint pas devant public, car l’acte de créer reste intime. Il l’a déjà fait pour les besoins d’un documentaire télévisé, mais sa préférence est le contact privilégié avec la toile, dans une ambiance de musique qui fait rêver.
«L’art lave notre âme de la poussière du quotidien», disait Picasso. Pierre Poulin en a fait une vérité personnelle : il prend ses pinceaux tous les jours. La même régularité se retrouve en sport : il chausse ses skis tous les jours en hiver. «La peinture me rend heureux !» Il en est de même pour la montagne et pour les grands espaces canadiens de nature sauvage. Le grand air et la nature font partie de son équilibre intérieur et c’est grâce à cette alchimie de liberté et de sérénité qu’il fait vivre ses personnages avec autant de puissance.
Et puisque «un tableau ne vit que par celui qui le regarde» – autre citation de l’artiste ayant les mêmes initiales que lui (Pablo Picasso) -, Pierre Poulin expose quelques-unes de ses pièces majeures de façon permanente, à la Galerie Zen du 1025, boulevard du Lac, à Lac-Beauport, en banlieue de Québec. C’est le lieu des rencontres et des discussions avec le public amateur d’art.
Son atelier n’est malheureusement pas ouvert au public, mais les collectionneurs peuvent néanmoins prendre rendez-vous avec lui. Il est aussi possible de découvrir son travail sur Internet.
Pierre Poulin est l’un des très rares artistes canadiens à pratiquer l’art brut depuis près de 25 ans. Entre les années 1979 et 1984, il a été vainqueur de six Coupes du monde en ski acrobatique (style libre) et a participé à de nombreux autres championnats de haut niveau.
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Publié originellement sur le Huffington Post Québec, le 9 mars 2016