L’espace contemporain galerie d’art, située au 313 rue Saint-Jean à Québec, présente quinze artistes peintres, du 24 novembre au 5 décembre 2010, dans une exposition intitulée « Abstractions et gestuelles ». Le vernissage se tiendra le vendredi 26 novembre 2010 à 18 heures.

L’art abstrait est l’une des principales tendances qui se sont affirmées dans la peinture du XXème siècle. Jean-Louis Ferrier, ancien professeur honoraire à l’E.N.S.A.D., L’École nationale supérieure des arts décoratifs, critique d’art, journaliste et auteur de « L’Aventure de l’Art au XXe siècle » a défini trois fondateurs à parts égales de l’abstrait : Vassily Kandinsky, Piet Mondrian et Kasimir Malevitch. Pour Kandinsky, la libre picturalité des formes lui a été révélée lorsque son regard est tombé par hasard sur une peinture insolite qu’il a reconnu, dans un deuxième temps, comme l’un de ses propres tableaux posé à l’envers; pour Mondrian, le résultat a été le fruit d’un long processus qui a mis en scène un équilibre harmonieux entre position et taille des champs de couleurs. Il a réduit progressivement ses compositions pour ne garder que quelques lignes qui ont conduit à une assise architectonique. Un nouveau reflet de l’idéal d’harmonie et de beauté classique était né; Malevitch a, quant à lui, privilégié une organisation picturale de plus en plus simplifiée où les objets identifiables se fondaient progressivement dans des ensembles picturaux parfaitement stéréométriques, ce qui a conduit au fameux « Carré noir sur fond blanc ». Pour ces trois pères fondateurs, le passage de la figuration à l’abstraction s’est opéré entre 1910 et 1917.

L’abstraction fait partie d’un contexte global extraordinairement créatif dans tous les arts mais, aujourd’hui encore, l’abstraction reste mal acceptée du public, car cet art « ne représente rien de concret »; il est exempt d’associations objectales, ce qui parfois choque le goût, les habitudes, les perceptions codifiées de la réalité. L’art abstrait doit être abordé dans un esprit différent des œuvres figuratives. L’art abstrait ne cherche pas à rendre réaliste une reproduction. Il se suffit à lui-même en évitant de tomber dans la seule préoccupation décorative. L’art abstrait se libère des objets extérieurs et exprime l’essence même de l’esprit de la création. Il ne faut donc pas chercher à « voir » quelque chose ou à discerner quelque silhouette ou forme connue. Il faut appréhender cette forme d’art avec le ressenti.

Art formel, expressionnisme abstrait, abstraction lyrique, art autre, non-figuration psychique, tachisme, action painting, les artistes abstraits ont des approches stylistiques différentes, mais tous ont habituellement la volonté d’expliquer ou de théoriser leur démarche, ce qui peut conduire à une compréhension moins hermétique de leur travail. Qu’ils se distinguent, par exemple, par une approche rationnelle de l’abstraction tout en aspirant à l’universalité à travers des créations obéissant à des règles géométriques strictes, ou qu’ils représentent des émotions universelles à travers un expressionnisme abstrait, ces artistes n’imitent pas et ne se réfèrent pas à l’apparence des objets du monde. L’acte de peindre est un équivalent de la vie, un processus évolutif dans lequel l’artiste abstrait fait face à ses doutes et à ses dilemmes par une série de décisions conscientes ou inconscientes traduites par une énergie physique et psychique directement interprétées en une œuvre. L’abstraction est donc un état d’âme dominé par des émotions, ce qui en fait aussi un langage universel.

C’est l’évolution de la peinture allemande qui a préparé l’apparition de l’art abstrait, mais ce sont les fauvistes qui lui ont donné le ton, avec des couleurs pures, et qui ont laissé entrevoir comment les objets perdaient leur apparence réelle, ce qui a conduit ensuite au cubisme. C’est ainsi que l’indépendance de la forme a rejoint celle de la couleur à partir de 1910. Seul Kandinsky est resté indifférent aux recherches des cubistes et n’a pas pris la tête d’un mouvement abstrait comme l’ont fait Malevitch pour le suprématisme ou Mondrian pour le néoplasticisme.

Historiquement, au début du XXe siècle, l’abstrait incluait aussi le cubisme et le futurisme. Aujourd’hui, on définit l’art abstrait comme étant un langage formel, pictural et linéaire pour créer une composition indépendante du rapport aux références visuelles existantes dans le monde sensible. Comme le disait Gauguin, « Pensez à la part musicale que prendra désormais la couleur dans la peinture moderne. La couleur qui est vibration de même que la musique est à même d’atteindre ce qu’il y a de plus général et pourtant de plus vague dans la nature : sa force intérieure ». Dans l’abstraction, l’accent est également mis sur le pouvoir émotionnel de la couleur; identique au pouvoir émotionnel de la musique. D’ailleurs, Kandinsky considérait que les couleurs et les formes pouvaient communiquer des vérités spirituelles, cachées derrière les apparences quotidiennes. Il considérait la couleur comme le clavier, l’œil comme le marteau, l’âme comme le piano et l’artiste comme la main faisant vibrer l’âme au moyen de telle ou telle touche. « La couleur et l’harmonie des formes doivent reposer uniquement sur l’entrée en contact efficace avec l’âme humaine » disait-il.

Aujourd’hui, c’est au public de découvrir sa musique intérieure à L’espace contemporain dans « Abstractions et gestuelles », une grande exposition abstraite, mais non moins concrète, qui présente les œuvres de Viviane Bazinet, Muriel Cayet, Monique Daneau, Guylaine Déry, Karolle Grondin, Marie-Claude Hamel, Marie-Andrée Lasalle, Isabelle Leblanc, Édith Liétar, Nicole Ménard, Catherine Pelletier, Isabel Picard, Denis Roy, Jean-Nicolas et Sylvain Tapin, du 24 novembre au 5 décembre 2010 au 313 rue Saint-Jean à Québec. Le vernissage: le vendredi 26 novembre 2010 à 18h.