Le destin d’une œuvre estimable

Si dans certaines sphères on confirme que des objets inanimés peuvent être investis d’un pouvoir particulier ou qu’ils peuvent s’entourer d’une aura de bienveillance ou de protection, certaines personnes n’hésitent pas à accorder tout naturellement des vertus telles que la chance, le bonheur, le succès, l’abondance, etc., aux talismans, amulettes, grigris, fétiches – et j’en passe. Dans des temps très anciens, l’amulette était portée sur soi en guise de protection. Dans l’ancienne Babylone, on avait coutume de porter de minuscules cylindres d’argile incrustés de pierres précieuses pour tenir à distance les mauvais esprits. Les Romains, eux, collectionnaient les statues de dieux reliés à des fonctions précises, ayant souvent trait à la chance et à la fertilité. Encore aujourd’hui, nombreux sont ceux qui accrochent un fer à cheval au-dessus de la porte de leur maison pour se protéger de la malchance. D’aussi loin que nous puissions remonter dans le temps, les amulettes ont toujours existé. Les anciens Égyptiens en portaient d’ailleurs pour toutes les occasions, même après leur mort. La patte de lapin et le trèfle à quatre feuilles sont sans doute les amulettes les plus connues pour nous, Occidentaux.

Si certains sourient, se croyant au-dessus de telles fadaises – tout en évitant de casser un miroir volontairement pour ne pas s’attirer sept ans de malheur – d’autres utilisent ces croyances pour s’attirer le succès.

C’est le cas pour Maurice Louis, un artiste peintre franco-canadien de Lac-Beauport, instigateur du mouvement appelé le «métallurgisme artistique».

Depuis le mois de janvier, l’artiste accumule les succès à un rythme fou, suscitant beaucoup de questions autour de lui, dont la principale: quel est donc le secret de son succès?

Une peinture, amulette du succès

Son œuvre intitulée Antaille – une œuvre abstraite dont la valeur est inestimable du fait qu’elle possède une aura particulière liée au succès – est, de toutes celles qu’il a faites, la seule œuvre que Maurice Louis ait préméditée. Il l’avait terminée dans son esprit avant même de la réaliser sur toile – ce qu’il ne fait jamais en temps normal.

Il souhaitait représenter une faille, une ouverture, une brèche. Inconsciemment, bien malgré lui, il a créé une sorte de «passage» qui ne s’est jamais refermé. Il présente cette peinture – vraiment très différente de toutes les autres – partout où il expose. Jusqu’à tout récemment, elle était à vendre au prix TROP abordable de 1800 $. Aujourd’hui, cette peinture est devenue sans prix. «Je ne la vendrai pas», affirme l’artiste, «pas même pour un million!».

L’artiste qui aime jouer sur les mots et sur la signification des titres augmente la singularité de son œuvre en lui donnant plusieurs significations différentes. Ainsi Antaille pourrait signifier «année de taille» (année de succès) et «entaille» (écrit «correctement») pourrait signifier coupure dans les chairs – une signification strictement visuelle à en juger la couleur utilisée pour symboliser ladite entaille.

L’œuvre en elle-même peut paraître dérangeante et peut, parfois, provoquer un étrange malaise chez le public qui s’arrête devant. Si certains y voient l’Œil de Sauron ou un tube à essais, d’autres par contre établissent une relation subtile entre Samson, qui tirait sa force de sa chevelure, et Maurice Louis, qui tire son succès de sa toile.

Maurice Louis - Antaille

La métaphysique de l’œuvre

Antaille est une acrylique sur toile de 36 x 48 pouces (90 x 120 cm). Elle a été réalisée en relief au pinceau et au couteau à peindre. Deux couleurs prédominent: le noir et le rouge. Il faut chercher du côté de sa «construction» pour savoir que cette peinture part du blanc pur; le blanc que l’artiste a passé et repassé, maintes et maintes fois, sur sa toile déjà blanche à l’origine.

En théologie chrétienne, le blanc et le noir forment un couple indissociable associé à la dualité du Bien et du Mal s’appuyant sur la Genèse avec le concept de lumière et de ténèbres. Habituellement, c’est le symbole que nous associons d’emblée au noir. Or, en cherchant plus à fond dans le symbolisme des couleurs, en remontant dans l’histoire, il existe des exceptions au code symbolique du noir. Bien que le christianisme ignore le blanc négatif, le noir isolé peut dans certains cas exprimer des vertus: l’humilité et la tempérance – qui, bizarrement sont deux vertus monastiques essentielles que l’on retrouve chez les moines bénédictins qui ne portent que du noir. Ce système ternaire – blanc, noir et rouge – évoque des symboles chrétiens: le blanc pour la pureté, le noir pour les temps d’attente et de pénitence, le rouge pour le sang versé par le Christ. Ces trois couleurs ne sont pas exclusives à la religion, mais aussi au monde profane, depuis l’Antiquité classique à aujourd’hui.

Dans cette œuvre, si l’on y voit un œil unique sans paupière, ce tableau devient le symbole de l’essence et de la connaissance. L’œil étant l’organe de la perception visuelle, il est presque universellement associé au symbole de la perception intellectuelle et aux facultés de perception spirituelle.

Si l’on y voit un sexe féminin, cette œuvre devient l’ouverture vers des richesses secrètes et des connaissances cachées – Gustave Courbet en avait d’ailleurs fait l’origine du monde.

Si l’on y voit une faille jusqu’au cœur magmatique, on retrouve la notion de profondeur de l’abîme. On trouve dans presque toutes les mythologies un abîme primordial au mystère insondable.

Si l’on y voit une porte, l’œuvre symbolise l’accès à un espace dérobé ayant une certaine dimension de mystère. La porte caractérise l’entrée dans un espace fondamental, un lieu de passage entre deux états, entre deux mondes, entre le connu et l’inconnu, entre la lumière et les ténèbres, entre le trésor et le dénuement. La porte ouvre sur un mystère. Elle a aussi une valeur psychologique car, non seulement elle indique un passage, mais elle invite à le franchir.

Selon ce qu’on y voit, la signification symbolique de cette œuvre abstraite change et, avec elle, toute une métaphysique qui tire sa source de connaissances initiatiques très anciennes. Seul l’artiste pourrait nous dévoiler la signification exacte de son œuvre, mais peut-être que le secret de son succès réside justement dans le fait de nous laisser chercher par nous-mêmes la signification à donner à ce tableau particulier.

Certains artistes en arts visuels de la région de Québec, ayant senti la force de cette toile unique, n’hésitent pas à demander à Maurice Louis de leur prêter Antaille… histoire de présenter leur propre exposition sous de bons augures. La toile accompagne toutefois son créateur légitime dans tous ses déplacements et n’est malheureusement pas disponible pour les prêts. Par contre, les gens peuvent venir la voir de près à tout moment.

Pour en savoir davantage sur l’artiste:
www.mauricelouis.com

originellement publié sur le Huffington Post Québec, le 23 août 2015